Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 3
Le mardi 19 mars 1996
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- LE SÉNAT
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES
COURANTES
- Le Budget des dépenses de 1996-1997
- Le Budget des dépenses de 1995-1996
- Accords de l'aéroport Pearson
- Régie interne, budgets et administration
- Banques et commerce
- Projet de loi réglementant certaines drogues et autres substances
- La Loi sur les juges
- Le
Budget des dépenses de 1996-1997
Le Budget des dépenses de 1995-1996 - Code de conduite
- Projet de loi sur les restrictions relatives aux produits du tabac
- Groupe interparlementaire Canada-Japon
- Banques et commerce
- Les soins palliatifs au Canada
- Le solliciteur général
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mardi 19 mars 1996
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.Prière.
[Traduction]
Nouveau Sénateur
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de vous informer que le greffier a reçu du registraire général du Canada les certificats établissant que Nicholas William Taylor a été appelé au Sénat:Présentation
Son Honneur le Président informe le Sénat que le sénateur attend à la porte pour être présenté.L'honorable sénateur est présenté, puis remet les brefs de Sa Majesté l'appelant au Sénat. Le sénateur, en présence du greffier, prête le serment prescrit et prend son siège.
L'honorable Nicholas William Taylor, de Bon Accord (Alberta), présenté par l'honorable Joyce Fairbairn et l'honorable Dan Hays.
Son Honneur le Président informe le Sénat que l'honorable sénateur susmentionné a fait et signé la déclaration d'aptitude prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d'attester cette déclaration.
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis particulièrement fière de présenter le tout nouveau sénateur Nick Taylor, qui est à la fois un de mes amis et un concitoyen de l'Alberta.
À ceux d'entre vous qui ne connaissent pas encore notre collègue, je puis vous assurer que nous accueillons une personne tout à fait unique et spéciale dans nos rangs. Né et élevé pendant la dépression à Bow Island, une localité rurale perdue dans le sud de l'Alberta, Nick Taylor a toujours été plus grand que nature dans notre province et je suis persuadée qu'il continuera de l'être.
ll a également une connaissance et une appréciation approfondies des questions qui nous intéressent au Sénat, notamment l'agriculture et les besoins futurs des Canadiens autochtones. Il a rapidement acquis une réputation presque légendaire de franc-tireur dans le domaine de l'industrie énergétique, un sujet qu'il maîtrise et auquel il continue de se vouer.
Toutefois, honorables sénateurs, même ces qualités palissent comparées à la persévérance avec laquelle il a défendu le libéralisme en Alberta. Il croit passionnément dans les valeurs libérales de la compassion et du partage et il n'a jamais raté une occasion d'exprimer sa conception des choses à ses concitoyens albertains.
Le chinook ne soufflait guère pour les Libéraux en Alberta lorsque Nick Taylor a défendu les couleurs de son parti durant les années 70 et 80 et il n'est pas exagéré de dire que les succès que nous avons récemment remportés dans cette province sont en grande partie attribuables à son inébranlable détermination.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Fairbairn: Chef du Parti libéral de l'Alberta de 1974 à 1988 et député à l'assemblée législative durant les dix dernières années, il a contribué à la vie publique tant par son expérience que par son énergie, en y mettant un petit quelque chose en plus: son sens de l'humour et de la répartie sont irrésistibles. Je vous promets qu'il saura mettre de la vie dans nos réunions de caucus et capter l'attention de nos collègues d'en face.
Son adversaire de longue date, le Conservateur albertain Ken Kowalski, a admis à l'assemblée législative, il y a quelques jours à peine, que peu de gens peuvent se mesurer à lui dans ses joutes oratoires.
Sénateur Taylor, mes collègues et moi-même vous souhaitons la bienvenue en cette Chambre. Nous avons hâte de travailler avec vous et de profiter de votre contribution à la solution des grandes questions de l'heure au Canada et, bien sûr, dans notre province, l'Alberta.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je ne sais pas ce que pourrait être l'équivalent du chinook au Québec, mais en tant que Conservateur de cette province, je suis certainement en mesure de regretter moi aussi l'absence de vent chaud.
Je suis très heureux de me joindre au leader du gouvernement pour accueillir le sénateur Nick Taylor parmi nous et lui souhaiter beaucoup de succès au moment où il fait son entrée dans notre Chambre. Je dois dire que j'ai trouvé très rafraîchissants les propos qu'il a tenus après sa nomination, car il n'a pas tenté de cacher que ses nombreuses années de travail pour le Parti libéral de l'Alberta ont été à l'origine de sa nomination ou, pour employer un mot plus conforme au vocabulaire politique de l'Alberta, de son «élection» par le premier ministre du Canada.
Même s'il occupe le siège que Stan Waters a occupé avant lui, le sénateur Taylor finira bien par admettre qu'une élection où un seul électeur a le droit de vote a un certain attrait qui pourrait l'amener à repenser ses idées sur le Sénat triple E qu'il préconise, ou du moins qu'il préconisait encore récemment. Le sénateur constatera bientôt que de n'être pas élu ne change rien au fait que nous sommes tous égaux en cette assemblée et que nous constituons une Chambre du Parlement efficace. Son apport contribuera sans doute à mettre encore davantage en valeur ces caractéristiques.
Je félicite le sénateur et lui souhaite beaucoup de succès.
[Français]
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je veux me joindre aux bons mots de ma collègue le sénateur Fairbairn.
[Traduction]
Je connais le sénateur Taylor depuis des années et je partage une chose avec lui, sa patience. J'ai fait campagne pour le sénateur en 1968 et en 1972, avant d'être appelé au Sénat, et plus tard au niveau provincial. J'ai appris à connaître l'Alberta grâce à des gens comme lui. C'est pourquoi je n'hésite jamais à aller en Alberta et dans l'ouest du Canada.
Je suis ravi que le sénateur Taylor se joigne à nous aujourd'hui. Il sera un apport remarquable à notre Chambre. Je voudrais avec vous tous souhaiter à sa très nombreuse famille - ses sympathiques enfants et sa fort charmante épouse - de beaucoup se plaire à Ottawa. J'attends avec beaucoup d'impatience de travailler avec le sénateur Taylor pour le compte du Canada. Comme je le dis toujours, le Canada est en butte aux attaques, et c'est avec des gens comme le sénateur Taylor et d'autres que nous pouvons aider à bâtir un meilleur Canada.
L'honorable Ron Ghitter: Honorables sénateurs, je voudrais aussi souhaiter la bienvenue à la Chambre rouge à un ami de longue date. En ce qui concerne cette nomination au Sénat, on a peu lire dans la presse un article intitulé «Un favoritisme bien mérité», qui montre bien que les médias approuvent cette nomination et estiment cet honorable personnage digne de cette Chambre. Partout en Alberta, je n'ai entendu, au sujet de la nomination du sénateur Taylor, que des commentaires respectueux et admiratifs concernant ce qu'il a accompli dans ma province.
Je connais le sénateur Taylor, sa femme Margaret et ses nombreux enfants depuis des années. C'est à lui que je dois mes premiers pas dans la vie politique. C'est en 1968, année de la Trudeaumanie, - une des nombreuses fois que le sénateur Taylor s'est présenté, sans succès, ajouterai-je, à un poste politique - que j'ai mené ma première bataille politique en faveur d'un certain Douglas Harkness. Je suis sûr que le sénateur Taylor s'en souvient. J'ai appris tous les secrets d'une bonne campagne, comment arracher les affiches électorales à deux heures du matin, et tout ce qu'on peut apprendre durant une campagne politique et que je n'aurais jamais reconnu avant d'être nommé ici, bien sûr. C'est un aveu que l'on peut faire ici.
Le sénateur Taylor était un candidat redoutable. Je me souviens avoir travaillé contre lui à nouveau, quatre ans plus tard, alors qu'il se présentait contre un certain Harvie Andre, que nous appelions alors «Harvie qui?». C'était une autre occasion pendant laquelle il était très difficile d'être Libéral en Alberta, encore moins de se porter candidat. Être Libéral à cette époque, et pendant plusieurs années par la suite, n'était pas un cadeau.
Mais sa persévérance l'a emporté. J'ai du mal à imaginer ce que cela a dû être de prêcher dans le désert pendant 14 ans, à la tête du Parti libéral de l'Alberta, d'observer les choses de la tribune de l'assemblée législative, de vouloir être dans la mêlée mais de ne pas avoir de siège. Il a tenu bon du temps du Programme énergétique national alors que les Libéraux n'étaient pas très populaires en Alberta. Il a continué à persévérer. Il a toujours été une homme d'honneur, un homme d'intégrité et, par- dessus tout, un homme plein d'humour et de bonne volonté.
Deux ans après avoir été enfin élu à l'assemblée législative de l'Alberta, en 1986, il voyait lui échapper la direction du parti dont il avait assuré la survie par sa ténacité. Une fois encore, il s'est incliné avec bonne grâce, bonne humeur, dignité et amour- propre, et a cédé sa place. Il a cependant conservé son siège à l'assemblée législative où il a continué à bien servir les Albertains.
(1420)
Je me permets donc de vous dire à vous, sénateur, à votre épouse et à votre famille, combien il nous est agréable de vous voir à Ottawa. Je me réjouis à l'idée de participer aux délibérations du Sénat en votre compagnie, et je me joins à tous les Albertains pour vous offrir nos félicitations à l'occasion de votre nomination. Vous êtes le bienvenu parmi nous.
Des voix: Bravo!
L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je connais Nick Taylor depuis 31 ans et je l'ai d'abord rencontré grâce à sa fille, qui est avec nous aujourd'hui. J'enseignais à l'école secondaire pour jeunes filles St.Mary's et Patrice Taylor était dans ma classe. J'ai dû admettre à un moment donné que j'étais d'allégeance libérale puisque, lors d'une rencontre entre parents et professeurs, Nick Taylor est arrivé à l'école en se demandant qui, en Alberta, avait le courage d'admettre qu'elle était Libérale. C'est ainsi que nous nous sommes rencontrés pour la première fois.
Nous avons tous deux joué un rôle actif au sein du Parti libéral. Il avait déjà gagné ses galons. En 1976, à titre de présidente du Parti libéral de l'Alberta, je suis devenue la première présidente de Nick Taylor. Lors d'un moment de faiblesse, il m'a persuadée de me présenter dans Calgary Elbow; lui se présentait dans Calgary Glenmore. Puisque nous habitions tous deux cette circonscription, je savais que je pouvais compter sur le vote de Nick et de Peg, et peut-être sur celui de Patrice car je crois qu'elle avait déjà l'âge de voter à cette époque. Je croyais aussi avoir le vote de mon mari John.
Nous avons gardé le contact au cours des années, même après mon déménagement au Manitoba et après que je sois devenue chef du parti dans cette province alors qu'il est demeuré chef du parti en Alberta.
Je suis heureuse de voir en cette Chambre un si bon ami de longue date et je suis convaincue que Nick apportera une contribution extraordinaire à cette assemblée, comme sa famille et lui-même l'ont toujours fait, franchement, à la vie de tant de gens.
L'honorable Dan Hays: Honorables sénateurs, je voudrais m'associer à ceux qui ont souhaité la bienvenue au sénateur Taylor. Je ne sais pas depuis combien de temps je connais Nick. J'ai appris à bien le connaître lorsque nous nous sommes présentés tous les deux à l'investiture, en 1968. Il a gagné, j'ai perdu.
Nick, je suis heureux de vous voir au Parlement du Canada. Vous n'avez pas gagné l'élection non plus cette année-là, probablement en raison des tactiques de campagne du sénateur Ghitter et d'autres.
Nick, vous êtes particulièrement bienvenu parmi les sénateurs qui ont des liens étroits avec le Canada rural. Quelqu'un qui vient de l'assemblée législative de l'Alberta et a des bureaux à Morinville, Bon Accord, Smokey Lake, Redwater et Gibbons apportera, à cette Chambre et au Parlement, une perspective très nécessaire sur les questions rurales.
Nous sommes également impressionnés par le nombre de députés de l'autre endroit que vous avez attirés ici. Ils ne viennent pas souvent. Des députés, comme Deborah Grey, Ray Speaker et Judy Bethel sont venus ici pour vous souhaiter la bienvenue.
Nick, moi aussi je vous souhaite la bienvenue et j'espère avoir l'occasion de travailler avec vous. Bienvenue à Ottawa, et puissiez-vous aimer les quatre heures de voyage dans chaque sens entre la capitale et l'Alberta.
L'honorable H.A. Olson, c.p.
Hommages à l'occasion de sa nomination au poste de lieutenant-gouverneur de l'Alberta
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est avec des sentiments partagés que je prends la parole aujourd'hui pour dire adieu à un collègue remarquable et un bon ami, Bud Olson. Comme vous le savez tous, il a quitté cette Chambre pour servir notre pays en assumant un nouveau rôle, celui de lieutenant-gouverneur de l'Alberta, et il est ici en compagnie de son épouse, Lucille, pour nous dire au revoir.En raison de ce départ, nous perdons un parlementaire distingué et dévoué qui a représenté le Canada et surtout sa chère Alberta pendant plus de quatre décennies. Je salue un voisin estimé et respecté avec lequel j'ai eu l'immense chance de travailler pendant plus de 34 ans.
J'estime que le premier ministre ne pouvait pas faire un meilleur choix que Bud Olson. Ses racines sont rurales et plongent profondément dans l'Alberta et pendant toutes ces années vécues sur la scène fédérale, il n'a pas pour autant négligé de les nourrir. Pour emprunter les paroles d'un ami mutuel de Lethbridge, Ron Watmough, qui est écrivain, Bud
[...] connaît bien les démangeaisons provoquées par les barbes d'orge sur un dos en sueur par une chaude journée de moisson, la dure corvée du rassemblement, le poids des bottes de foin à la fin d'une journée interminable et les tibias écorchés - à force de se frotter contre l'extrémité du cultivateur. Il connaît l'inquiétude causée par la chute des ventes de récoltes, l'accumulation rapide des factures, ainsi que les maux de tête de la période des déclarations d'impôt. Mais il comprend aussi le doux sentiment de l'indépendance, ce qu'est une existence de liberté - être son propre maître, avoir la satisfaction de voir deux brins d'herbe pousser là où jadis il n'y en avait qu'un. Et tout cela, il le connaît depuis toujours.
Les valeurs que ces expériences lui ont inculquées l'ont conduit en 1957 à devenir un jeune et enthousiaste député de la Chambre des communes pour y représenter la circonscription de Medicine Hat au nom du Parti Crédit social. Jeune journaliste à l'époque, j'ai couvert les premières années de la carrière de Bud dans les années 1960, époque où des gouvernements minoritaires ont donné lieu aux délibérations les plus houleuses que le pays ait jamais connues. Il est juste de dire que Bud, qui était alors le leader du Parti Crédit social à la Chambre, a su se montrer, contre vents et marées, un des meilleurs orateurs et experts en procédure de l'époque.
En 1967, il s'est joint au Parti libéral et a servi nos gouvernements antérieurs avec dévouement et distinction à titre de ministre de l'Agriculture et du Développement économique et régional et, bien sûr, de leader du gouvernement dans cette Chambre.
Pendant ses années au Sénat, il n'a jamais hésité à donner ce qu'on peut seulement décrire comme étant quelques-unes des leçons les plus significatives sur l'agriculture et le commerce que cette Chambre ait jamais entendues, et je suis persuadée que le sénateur Murray, en particulier, se rappellera avec une certaine émotion les accents agressifs et étourdissants qui émaillaient ces sermons.
Cependant, la leçon la plus importante que nous avons apprise de Bud Olson a peut-être été l'exemple qu'il a donné en représentant sa région. Les opinions des Albertains étaient toujours énoncées avec détermination, passion et fierté.
Bud continuera de servir les gens de l'Alberta. Il a toujours été activiste, et je sais que, en tant que lieutenant-gouverneur, il voudra se rendre dans tous les coins de l'Alberta et prendre part avec enthousiasme aux événements spéciaux qui se dérouleront dans ces localités.
Honorables sénateurs, nos adieux à Bud ne seraient pas complets si nous ne reconnaissions pas le soutien énorme qu'il a reçu de sa famille au cours de ces années à Ottawa. Lucille, sa femme depuis près d'une cinquantaine d'années, est à la fois sa compagne et sa collègue, et c'est avec beaucoup d'affection et d'admiration que je lui transmets tous mes voeux. Je sais qu'elle ajoutera une dimension particulière au rôle de lieutenant-gouverneur.
Au moment où Bud nous quitte pour rentrer chez lui, nous lui offrons nos meilleurs voeux et lui exprimons notre gratitude pour la contribution qu'il a faite à cet endroit. Sa présence et son amitié nous manqueront à tous, de ce côté-ci de la Chambre et, je le présume, à tous les autres sénateurs qui l'ont connu et apprécié.
(1430)
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Olson, va, sans aucun doute, nous manquer à tous. Nous allons nous ennuyer de son style qu'il a apporté au Parlement, un style qui est moins à la mode qu'il ne l'a déjà été. Il pouvait être brusque, sectaire, extraordinairement démonstratif, défendre l'indéfendable et adopter souvent une attitude agaçante dans une séance au Sénat ou au comité. Cependant, derrière ce comportement coloré se cache une personne extrêmement bien informée. Pour ma part, j'ai toujours écouté avec attention ses interventions sur l'agriculture, un domaine que peu de gens au Canada connaissent aussi bien que lui.
Je dois ajouter, cependant, qu'au cours des deux dernières années, je le regardais avec beaucoup de sympathie en face de nous et j'étais émerveillé par son stoïcisme et son silence face à l'élimination graduelle d'un certain nombre de programmes agricoles qu'il avait aidé à établir en tant que membre d'un gouvernement libéral qui était alors fidèle à ses principes. Quel soulagement ce doit être pour lui de ne plus avoir à constater personnellement que le Parti libéral renonce encore davantage à ses valeurs dans un domaine ou il a travaillé si dur.
Parmi ceux qui étaient présents à ce moment-là, personne n'a oublié la plus incroyable harangue du sénateur Olson, celle qui n'a pas été consignée au compte rendu parce qu'il l'a prononcée au Sénat au moment où notre Chambre attendait de donner la sanction royale au projet de loi sur la TPS, sanction royale qui, soit dit en passant, n'a pas eu lieu ce jour-là, mais pas à cause du plaidoyer de notre collègue. Pendant ce qui a paru être une éternité, le sénateur Olson a invité le représentant du gouverneur général à ne pas donner son accord à ce projet de loi qui, selon lui et d'autres sénateurs siégeant de son côté, avait été adopté dans des circonstances qui jetaient le déshonneur sur tout le système parlementaire. C'est une performance sans précédent qu'il a donnée sans que personne n'osât l'interrompre, car rien ne pouvait l'empêcher de défendre son point de vue avec passion et conviction. Or, voilà que maintenant, cinq années plus tard environ, on lui demande d'être le représentant de la Reine en Alberta, ce qui prouve, à tout le moins, que Sa Majesté est, en fait, très indulgente.
Je souhaite exprimer au sénateur Olson tous nos meilleurs souhaits de réussite dans le cadre de ses nouvelles responsabilités. Que Dieu protège la reine!
Des voix: Bravo!
L'honorable Dan Hays: Honorables sénateurs, il semble étrange d'être ici sans voir le sénateur Olson sur le parquet de la Chambre ou sans voir son nom sur un pupitre. Cependant, en cette journée où il est encore avec nous, à la tribune au moins, je suis vraiment très heureux d'avoir l'occasion de dire à tous mes honorables collègues à quel point le sénateur Olson va me manquer.
En écoutant le sénateur Lynch-Staunton, j'ai été presque surpris que le sénateur Olson ne viole pas le Règlement en interrompant notre honorable collègue de la tribune. Je suppose que, s'il n'allait pas devenir lieutenant-gouverneur de l'Alberta, il aurait probablement enfreint le Règlement.
On a beaucoup parlé de la vie du sénateur Olson. Cependant, je voudrais partager avec les honorables sénateurs deux ou trois anecdotes. Dans le premier cas, le sénateur Olson était alors coprésident du groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Pour ses vues peu connues sur les émissions de gaz à effet de serre et leurs effets sur le réchauffement de la planète, on l'a surnommé «docteur Ozone». Les contributions qu'il a apportées et qui lui ont valu ce surnom et celles qu'il a faites au Sénat montrent que c'était un homme d'une grande volonté, qu'il était extrêmement bien informé et qu'il était très loyal et dévoué à l'égard de sa province et de son pays. Il convient donc parfaitement qu'il soit le représentant de la reine en Alberta.
Il y en a peu qui se souviennent que le sénateur Olson était renommé comme pilote d'avion ultraléger. J'ignore s'il a repris cette activité. Je me rappelle qu'au cours d'une de ses fameuses fêtes d'anniversaire, il avait déclaré que piloter un ultraléger comptait parmi ses activités passionnantes. Il gardera toujours un intérêt pour ces activités, je crois. Il avait parlé de ses expériences formidables en ultraléger où il lui semblait planer avec les aigles. Une personne dont je tairai le nom lui avait alors demandé: «Comment pouvez-vous planer comme un aigle, puisque vous êtes un dindon?»
Le sénateur Olson a plané comme un aigle au Sénat. Je sais qu'il servira bien tous les Albertains et tous les Canadiens dans ses nouvelles fonctions. Avec d'autres sénateurs, je lui offre mes meilleurs voeux.
Des voix: Bravo!
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, étant donné que l'honorable leader du gouvernement a fait allusion à moi dans cette affaire, je vais dire un mot, que j'avais l'intention de dire de toute façon.
Il y a quelques jours, aux actualités de midi à la radio de Radio-Canada, j'ai entendu l'annonce de la nomination du sénateur Olson comme lieutenant-gouverneur de l'Alberta. Je me suis empressé de lui envoyer un fax pour lui dire à quel point son départ du Sénat me désolerait, ce dont je suis certain.
De 1980 à 1984, pendant que le sénateur était ministre et que j'étais du côté de l'opposition, j'ai rarement laissé passer une journée sans lui demander de rendre compte des politiques du gouvernement Trudeau et de politiques que le gouvernement Trudeau contrôlait peu, dont celles de la Banque du Canada.
Entre 1984 et 1993, nos rôles ont été inversés et, siégeant alors de ce côté-ci du Sénat, le sénateur Olson m'a rendu la monnaie de ma pièce avec beaucoup d'enthousiasme. Je pense que nous comprenons tous deux - nous le comprenons tous, je crois - que, peu importe le côté que nous occupions, tous les sénateurs ont un rôle constitutionnel à jouer au sein de cette institution. Nous nous efforçons d'exercer nos responsabilités au mieux de notre compétence et de notre conscience.
Le sénateur Olson, comme membre de l'opposition ou comme ministre, s'acquittait de ses responsabilités législatives d'une façon exemplaire. Il faut noter que sa santé en a souffert, il y a quelques années. Je crois qu'il est complètement rétabli aujourd'hui et j'en suis heureux.
Il a donné énormément à sa province, à son pays et à cette institution. Il excellera comme lieutenant-gouverneur de l'Alberta autant qu'il l'a fait comme sénateur. Je me joins à ses amis et à ses collègues pour lui souhaiter bonne santé et beaucoup de satisfaction dans l'exercice des hautes responsabilités qui lui sont désormais confiées.
Des voix: Bravo!
L'honorable Len Marchand: Honorables sénateurs, je veux ajouter ma contribution aux nombreux éloges qui ont été prononcés ici aujourd'hui au sujet du sénateur Bud Olson. Les sénateurs Fairbairn, Lynch-Staunton et d'autres ont déjà rappelé une bonne partie des faits et gestes de Bud.
J'ai fait sa connaissance en 1965, lorsque j'étais l'adjoint de l'honorable Arthur Laing. J'avais l'habitude d'aller m'asseoir dans les tribunes à l'autre endroit et de regarder Bud faire assaut d'éloquence dans son rôle de leader parlementaire des créditistes. J'ai constaté à cette époque à quel point il connaissait bien le Règlement de l'autre endroit, comme il l'a démontré également ici par la suite.
J'ai été élu à la Chambre des communes en 1968. Bud était alors ministre de l'Agriculture. Il m'a beaucoup aidé. J'ai des antécédents agricoles, comme peu de gens le savent. On trouve également de nombreux éleveurs dans ma circonscription et le sénateur Olson m'a énormément aidé à m'occuper des besoins de ces éleveurs, même s'ils n'ont pas souvent voté pour nous. Quoi qu'il en soit, nous les avons bien servis.
(1440)
Je me rappelle très bien la Kamloops Exhibition Association. Le sénateur Olson a très généreusement trouvé un peu d'argent pour nous aider à monter l'organisation nécessaire. Elle fonctionne encore très bien et permet de tenir une exposition agricole polyvalente à Kamloops.
On a toujours connu le sénateur Olson sous le nom de Bud, mais ses initiales sont H.A. J'ignore combien de gens savent que ce sont les initiales des prénoms Horace Andrew. Il y a plusieurs années, j'ai demandé à Bud quel était son véritable nom. Il m'a répondu que je devrais plutôt le chercher moi-même, et c'est ce que j'ai fait.
Le sénateur Olson fut pour moi un homme important au fil des ans. C'est un parlementaire droit et bien informé, un homme d'une grande intégrité et d'une grande honnêteté. Mes meilleurs voeux les accompagnent, lui et Lucille, dans leur nouvelle vie. Le sénateur Bud Olson a extrêmement bien servi le Sénat, la Chambre des communes et le Canada. Je sais qu'il s'accquittera extrêmement bien de ses nouvelles fonctions en tant que représentant de la reine à Edmonton.
Bonne chance, Bud et Lucille. Nous irons vous visiter.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je tiens, moi aussi, à rendre hommage à notre cher sénateur Bud Olson, qui quitte le Sénat pour occuper un nouveau poste, celui de lieutenant-gouverneur de l'Alberta. Je le félicite du fond du coeur. Je félicite également son épouse, Lucille, que j'ai appris à bien connaître. C'est une femme charmante et formidable.
Honorables sénateurs, le sénateur Olson et moi sommes voisins. Nous partageons un corridor en bas. Nous occupons des bureaux voisins. Le sénateur Olson s'est toujours montré un voisin magnanime.
Sénateur Olson, je dois avouer à tous nos collègues que j'ai vite découvert votre penchant pour le gâteau et la crème glacée rose et vos autres goûts. J'avoue aussi que j'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de partager vos goûters.
Honorables sénateurs, lorsque j'ai été nommée au Sénat, en 1984, le sénateur Olson était le leader du gouvernement. Il avait dû cependant s'absenter les premiers jours, parce qu'il était malade. Dès son retour, il m'a téléphoné et m'a convoquée à son bureau afin de me souhaiter la bienvenue. C'est une rencontre que je n'oublierai jamais et que je chérirai toute ma vie.
Le sénateur Olson est un gentilhomme qui a servi son pays avec savoir-faire et dévouement, et ce, à plusieurs titres. Je l'ai seulement connu en tant qu'ami et j'en remercie Dieu. Je suis heureuse qu'il ait été sollicité pour occuper le poste de représentant de Sa Majesté en Alberta. Il le mérite bien et saura, j'en suis sûre, rehausser le prestige de ce rôle.
Comme les honorables sénateurs le savent, je suis un monarchiste qui croit que la plus haute charge, dans notre pays, est celle de représentant de la souveraine. Je me joins aux honorables sénateurs des deux côtés de cette assemblée pour présenter nos meilleurs voeux au sénateur Olson et à son épouse, Lucille, au moment où ils assument leurs nouvelles fonctions en Alberta, cette province splendide du Canada.
J'offre au sénateur Olson et à son épouse, comme gage de mon estime, cette vieille bénédiction irlandaise:
May the road rise to meet you.
May the wind be always at your back.
May the sun shine warm upon your face,
the rains fall soft upon your fields and,
until we meet again,
May God hold you in the palm of his hand.
Shalom. Mon voisin me manquera.
L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, à l'instar de ceux qui m'ont précédé, je voudrais dire quelques mots au sujet du sénateur Bud Olson. Tous les éloges qui ont été faits à son endroit sont certainement mérités.
Le sénateur Olson était leader du gouvernement au Sénat quand je suis devenu sénateur en 1982. Mes connaissances de la procédure parlementaire étant si limitées, je l'observais attentivement dans l'espoir d'apprendre quelque chose. J'ai bien appris certaines choses, la plus importante étant comment utiliser la période des questions.
Le sénateur Olson et moi étions souvent en désaccord sur l'interprétation de la règle voulant que la question peut être précédée d'un court préambule. Les préambules du sénateur Olson duraient rarement moins de 45 minutes. J'invoquais souvent le Règlement pour contester son interprétation de cette règle, mais cela ne faisait que lui donner l'occasion de prendre la parole pour m'expliquer poliment pourquoi il avait besoin d'un peu de temps pour dire ce qu'il venait tout juste de dire. Il répétait le tout, et nous en avions pour encore 45 minutes à l'entendre. Ce trait de sa personnalité me manquera beaucoup. Le sénateur Marchand a parlé de la connaissance que le sénateur Olson avait du Règlement. Voilà une règle que, semble-t-il, le sénateur Olson n'a jamais apprise.
Personnellement, je m'ennuierai beaucoup du sénateur Olson. Je pense que sa nomination a été merveilleuse. Je dois dire toutefois que lorsqu'il était leader du gouvernement, j'ai été impressionné par la dignité dont il faisait preuve. Il avait un style de grand seigneur. Pouvez-vous imaginer, honorables sénateurs, comment cela se traduira quand il sera lieutenant-gouverneur de l'Alberta? Mon Dieu, il sera terriblement impressionnant.
Sénateur Olson, vous nous manquerez beaucoup. Je vous souhaite de vivre en santé le plus longtemps possible. J'espère que vous nous visiterez de temps à autre. Je voudrais bien qu'il existe un processus par lequel vous pourriez, à l'occasion, venir au Sénat et nous faire de nouveau la leçon sur des questions sur lesquelles vous estimez nécessaires de nous faire la leçon.
Il ne fait pas doute que le point qui a été soulevé à maintes reprises au Sénat aujourd'hui a trait au dévouement avec lequel le sénateur Olson représentait sa région. C'était évident chaque fois qu'il prenait la parole. À cet égard, je pense qu'il est un exemple à suivre pour bon nombre d'entre nous.
Mes meilleurs voeux, Bud.
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je voudrais, moi aussi, rendre hommage au sénateur Bud Olson. Bonne chance, sénateur Olson. Vous nous manquerez. Vous êtes un homme formidable.
[Français]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Semaine nationale de la francophonie
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorable sénateurs, aujourd'hui, je voudrais souligner la Semaine nationale de la francophonie, qui se déroule du 20 au 26 mars.La grande francophonie canadienne est le reflet de la diversité qui fait l'originalité et la force du Canada. Huit millions et demi de nos concitoyens canadiens établis dans toutes les régions du pays parlent français: 9 p. 100 au Yukon; 6 p. 100 en Colombie-Britannique; 7 p. 100 Alberta; 5 p. 100 en Saskatchewan; 9 p. 100 au Manitoba; en Ontario, 12 p. 100; au Québec, 94 p. 100; Terre-Neuve, 3 p. 100; Ile-du-Prince-Edouard, 10 p. 100; Nouvelle-Écosse, 9 p. 100; et, au Nouveau-Brunswick, 42 p. 100.
Saluons l'excellence des artistes, des chercheurs, des athlètes et des gens d'affaires francophones.
Saluons aussi tous ceux et celles qui contribuent dans leur vie quotidienne à notre richesse collective. Cette semaine est l'occasion de prendre conscience de ce que représente la francophonie canadienne au sein de notre pays; pour les uns, de raviver notre fierté d'y appartenir et, pour les autres, d'en découvrir les mille et une facettes.
[Traduction]
Nous pouvons être fiers des artistes, chercheurs, athlètes, gens d'affaires et autres de la francophonie dont les réalisations ont contribué à l'excellence de la qualité de vie au Canada.
Le budget
Les pensions alimentaires pour enfants-Les modifications des lignes directrices
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, dans le plan budgétaire qu'il a déposé à l'autre endroit, le 6 mars 1996, le ministre des Finances annonce que des modifications seront apportées aux lignes directrices régissant les pensions alimentaires pour enfants au Canada. Tous les sénateurs conviendront, j'en suis sûr, que les changements visant une meilleure exécution et une normalisation des pensions alimentaires constituent une nette amélioration et sont dans le meilleur intérêt de tous les enfants. Nous nous préoccupons tous ici du bien-être des enfants et j'ai souvent parlé de cette question. Je félicite le gouvernement d'avoir agi en ce sens, mais j'estime qu'il pourrait et devrait faire encore plus pour protéger les enfants.Toutefois, une des modifications des règles régissant les pensions alimentaires pour enfants est inquiétante et c'est celle concernant le nouveau traitement fiscal de ces pensions. À compter du 1er mai 1997, le parent qui a la garde des enfants n'aura plus à payer de l'impôt sur la pension alimentaire et le parent qui n'a pas la garde et qui verse la pension alimentaire n'aura plus droit à la déduction fiscale.
À propos de ces changements proposés, le ministre de la Justice a dit que les pensions alimentaires sont pour les enfants et ne constituent pas un revenu pour les parents. Il a ajouté que, en proposant ces modifications, il s'inquiétait peu de savoir qui allait gagner ou perdre et qu'il recherchait plutôt l'intérêt des enfants.
Le ministre de la Justice pourrait-il nous expliquer en quoi il est dans l'intérêt des enfants qu'un de leurs parents et souvent les deux aient un revenu disponible moins élevé à la suite des modifications proposées? En vertu des modifications proposées, les parents qui n'ont pas la garde des enfants auront un revenu disponible moins élevé qu'avant. De plus, de nombreux parents qui ont la garde des enfants et dont le revenu est moins élevé, la plupart du temps des femmes, recevront des revenus moins élevés, car ils se situent dans une tranche d'imposition moins élevée que ceux qui versent la pension, la plupart du temps des hommes. D'après les données du gouvernement, cela représente environ 60 p. 100 des cas au Canada. Le ministre de la Justice reconnaît déjà que, dans certains cas, les deux parents vont y perdre au change, mais il ne peut nous dire combien ils perdront et quelle somme ils perdront.
Par ailleurs, le ministre peut-il expliquer aux Canadiens en quoi cela est juste pour les enfants qui font partie de familles monoparentales, mais pas à la suite d'un divorce, et qui ne peuvent bénéficier eux aussi de ces prétendus avantages fiscaux? Jusqu'à maintenant, le gouvernement a considéré que seuls les parents divorcés pouvaient bénéficier de cela.
La meilleure chose que les Canadiens puissent dire de leur régime fiscal, c'est qu'il soit juste pour tous les Canadiens. Cela signifie que tous ceux qui ont des revenus paient de l'impôt sur ces revenus. Le régime fiscal est et devrait demeurer le moyen qu'utilisent les gouvernements pour obtenir des recettes; il ne devrait pas servir à corriger les inégalités sociales. En prévoyant dans le régime fiscal une exemption spéciale pour seulement certains groupes de la population, le gouvernement crée un dangereux précédent qui pourrait amener inutilement devant les tribunaux de nombreux Canadiens.
Je voudrais que le ministre de la Justice nous dise pourquoi il croit avantageux de pénaliser les Canadiens qui paient des pensions alimentaires pour enfants. Ne craint-il pas que les changements proposés n'incitent les parents qui n'ont pas la garde de leurs enfants à ne pas payer la pension? La logique veut que plus le montant d'une prestation est élevé, plus il est difficile à obtenir.
Si je critique cette modification des règles concernant les pensions alimentaires contenue dans le dernier budget, ce n'est pas pour dire que les enfants de familles monoparentales n'ont pas besoin de plus d'aide. Je dis simplement que cet élément des propositions concernant les pensions alimentaires est erroné et que le gouvernement devrait réexaminer sa décision. La Cour suprême du Canada a elle-même reconnu, dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Suzanne Thibodeau, que la fiscalité n'est pas le moyen adéquat pour régler cette question.
Toutefois, ce problème a mis une question sous-jacente en évidence, à savoir que personne ne semble parler au nom des milliers de Canadiens qui honorent chaque mois leur responsabilité en payant la pension alimentaire. Les médias parlent seulement de ceux qui ne paient pas, ceux qu'on appelle les pères mauvais payeurs. Il n'est jamais question de ceux qui paient et qui seront lésés par les changements proposés.
Le gouvernement semble dire aux Canadiens qui n'ont pas la garde de leurs enfants qu'ils n'ont aucune voix, aucun droit, seulement des responsabilités.
Son Excellence Royce Frith
Hommages pour ses réalisations à titre de haut-commissaire à Londres
L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, je serai bref. Les 25 et 26 février derniers, je suis allé à Londres avec une délégation pour rencontrer des représentants de la BERD, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Le Canada compte parmi les pays qui ont contribué au capital de cette banque. Je ferai un rapport plus détaillé au Sénat sur les activités de la délégation, mais je veux faire part aux sénateurs d'une chose qui les intéressera sûrement. C'est au sujet de notre collègue Royce Frith, l'actuel haut-commissaire.Nous nous sommes réunis dimanche soir, à la résidence du haut-commissaire, et Royce avait invité M. John Coleman, représentant du Canada au conseil d'administration de cette banque. M. Coleman nous a donné un compte rendu détaillé. Le lendemain, nous avions rendez-vous avec des représentants et, le soir, nous avons rencontré des fonctionnaires du haut-commissariat. Royce était absent, ayant d'autres fonctions officielles ailleurs, et il s'est passé quelque chose de très intéressant. Nous avons alors fait la connaissance de hauts fonctionnaires du haut-commissariat, et ils ont beaucoup d'admiration pour notre haut-commissaire.
Le haut-commissariat a beaucoup de difficulté à définir clairement la position du Canada. Dans les milieux très compétitifs du commerce international qu'on trouve là-bas, il y a parfois beaucoup d'informations tendancieuses, que ce soit sur la gestion des forêts en Colombie-Britannique, la chasse au phoque, sans oublier la situation concernant le poisson. Sans rien enlever au ministre Tobin, les fonctionnaires étaient d'avis que le haut-commissaire actuel avait fait preuve de beaucoup de talent pour faire connaître la position du Canada plus que tous ses prédécesseurs.
Royce Frith a rapidement développé la capacité de bien représenter le Canada chaque fois que des cas de désinformation se sont présentés. Sur la situation du poisson, les fonctionnaires accordent à notre haut-commissaire le mérite d'avoir su, mieux encore que le ministre, faire accepter au Royaume-Uni et même à toute l'Union européenne la position du Canada dans les circonstances. J'étais très fier de l'entendre dire. Je sais que M. Roy MacLaren fera un excellent travail quand il succédera à l'ex-sénateur Frith, mais je suis sûr d'une chose: ce sera très difficile au prochain haut-commisssaire d'égaler Royce Frith. J'ai pensé que les sénateurs voudraient tous connaître l'opinion des gens qui travaillent aujourd'hui avec notre ancien collègue.
Des voix: Bravo!
AFFAIRES COURANTES
Le Budget des dépenses de 1996-1997
Dépôt
L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose le Budget des dépenses pour l'exercice 1996-1997.Le Budget des dépenses de 1995-1996
Dépôt du Budget des dépenses supplémentaire (B)
L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement) dépose la partie B du Budget des dépenses supplémentaire pour l'exercice se terminant le 31 mars 1996.Accords de l'aéroport Pearson
Dépôt et impression de l'annexe
au troisième rapport
du Comité spécial
L'honorable Finlay MacDonald: Honorables sénateurs, juste avant la
prorogation, le 1er février pour être précis, je parlais de l'étude du
rapport final du Comité spécial du Sénat sur les accords de l'aéroport
Pearson. Je donnais à cette date avis de mon intention de faire publier une
annexe à mes remarques dès que ce document serait prêt dans les deux langues
officielles. C'est chose faite. Conformément au paragraphe 28(4) du Règlement,
je demande la permission de déposer ces renseignements supplémentaires et de
demander qu'ils soient imprimés en annexe au Débats du Sénat
d'aujourd'hui.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(Le texte du rapport figure en annexe, p. 60 )
Régie interne, budgets et administration
Présentation du quatrième rapport du Comité
L'honorable Consiglio Di Nino, vice-président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant:Le mardi 19 mars 1996
Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son
QUATRIÈME RAPPORT
Votre Comité recommande que les dépenses de taxi engagées par les sénateurs dans l'exercice de leurs fonctions à Ottawa leur soient remboursées jusqu'à concurrence de 25 $ par course.Votre Comité recommande, en outre, que ces dépenses de taxi soient imputées au crédit législatif et qu'elles soient remboursées mensuellement aux sénateurs, sur présentation à la Direction des finances du Sénat de reçus indiquant le prix de la course et le trajet effectué.
Respectueusement soumis,
Le vice-président,
CONSIGLIO DI NINO
(Sur la motion du sénateur Di Nino, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Banques et commerce
Dépôt du premier rapport du Comité
L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du Comité sénatorial permanent des banques et commerce. Ce rapport porte sur les dépenses engagées par le comité durant la première session de la trente-cinquième législature.Projet de loi réglementant certaines drogues et autres substances
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-8, Loi portant réglementation de certaines drogues et de leurs précurseurs ainsi que d'autres substances, modifiant certaines lois et abrogeant la Loi sur les stupéfiants en conséquence.(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Poulin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du jeudi 21 mars 1996.)
La Loi sur les juges
Projet de loi modificatif-Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi sur les juges.(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Graham, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Le Budget des dépenses de
1996-1997
Le Budget des dépenses de 1995-1996
Avis de motion portant autorisation au Comité des finances nationales d'étudier le Budget des dépenses principal de 1996-1997 et le Budget des dépenses supplémentaire (B) de 1995-1996
L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 20 mars, je proposerai:Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, les dépenses projetées dans le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 1997, à l'exception du crédit 10 du Parlement et du crédit 25 du Conseil privé, et les dépenses projetées dans le Budget des dépenses supplémentaire (B) pour l'exercice se terminant le 31 mars 1996.
Code de conduite
Création du Comité mixte spécial-Avis de motion
L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, 21 mars 1996, je proposerai:Que le Sénat se joigne à la Chambre des communes pour former un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes qui sera chargé d'élaborer un code de conduite destiné à aider les sénateurs et les députés à concilier leurs responsabilités officielles et leurs intérêts personnels, y compris leur relations avec les lobbyistes;
Que le Comité soit composé de sept sénateurs et de quatorze députés;
Qu'il soit ordonné au comité de mener de vastes consultations et d'examiner les démarches adoptées à l'égard de ces questions au Canada et dans les régimes gouvernementaux comparables;
Que les documents et témoignages recueillis à ce sujet au cours de la prermière session de la trente-cinquième législature soient déférés au comité;
Que le comité ait le pouvoir de siéger pendant les séances et les périodes d'ajournement du Sénat;
Que le comité ait le pouvoir de faire rapport de temps à autre, de convoquer des témoins, de demander le dépôt de documents et de dossiers, et de faire imprimer des documents et des témoignages dont le comité peut ordonner l'impression;
Que le comité ait le pouvoir de recourir aux services d'experts, de professionnels, de techniciens et d'employés de bureau;
Que le Comité ait le pouvoir de recourir aux services d'experts, de professionnels, de techniciens et d'employés de bureau;
Que le quorum du comité soit fixé à onze membres lorsqu'il y a prise d'une vote, d'une résolution ou d'une décision, à la condition que les deux Chambres soient représentées, et que les coprésidents soient autorisés à tenir des réunions, à entendre des témoignagnes et à autoriser leur impression, à la condition que six membres du comité soient présents et que les deux Chambres soient représentées;
Que le Comité soit habilité à mettre sur pied, en se servant de ses propres membres, tous les sous-comités qu'il jugera utiles, et à déléguer à ces sous-comités tous ses pouvoirs, sauf celui de faire rapport au Sénat et a la Chambre des communes;
Que le comité soit habilité à mettre sur pied, en se servant de ses propres membres, tous les sous-comités qu'il jugera utiles, et à déléguer à ces sous-comités tous ses pouvoirs, sauf celui de faire rapport au Sénat et à la Chambre des communes;
Que le comité ait le pouvoir d'autoriser la télédiffusion et la radiodiffusion de tous ses travaux;
Que le comité présente son rapport final au plus tard le 21 juin 1996;
Que, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport final du comité sera terminé, le rapport puisse être déposé auprès du greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été déposé au Sénat; et
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
Projet de loi sur les restrictions relatives aux produits du tabac
Première lecture
L'honorable Stanley Haidasz dépose le projet de loi S-5, Loi restreignant la fabrication, la vente, l'importation et la publicité des produits du tabac.(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Haidasz, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du jeudi 21 mars 1996.)
Groupe interparlementaire Canada-Japon
Quatrième forum annuel des parlementaires de la région Asie-Pacifique tenu à Cha-am, en Thaïlande-Dépôt du rapport
L'honorable Dan Hays: Honorables sénateurs, je suis heureux de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport préparé par la délégation du groupe interparlementaire Canada-Japon sur la quatrième réunion annuelle du forum des parlementaires de la région Asie-Pacifique, tenue à Cha-am, en Thaïlande, du 15 au 19 janvier 1996.Banques et commerce
Avis de motion portant autorisation au comité d'étudier la situation actuelle du régime financier du Canada
L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, je donne avis que mercredi prochain, 20 mars 1996, je proposerai:Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier du Canada;
Que les documents et témoignages recueillis à ce sujet au cours de la première session de la trente-cinquième législature et tout autre document parlementaire et témoignage pertinent concernant ledit sujet soient renvoyés à ce comité;
Que le Comité soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux; et
Que le comité présente son rapport final au plus tard le 12 décembre 1996.
Les soins palliatifs au Canada
Avis d'interpellation
L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 57(2) du Règlement, je donne avis que jeudi prochain, 21 mars 1996, j'attirerai l'attention du Sénat sur l'état des services de soins palliatifs au Canada.Le solliciteur général
Avis d'interpellation concernant l'incident de l'attentat contre le premier ministre
L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, 21 mars 1996, j'attirerai l'attention du Sénat sur l'altercation entre le premier ministre et un manifestant survenue le 15 janvier 1996 dans le parc Jacques-Cartier.PÉRIODE DES QUESTIONS
Le programme national de garderies
La divergence entre les déclarations des ministres fédéral et provinciaux-La position du gouvernement
L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, ma question porte sur les déclarations faites par le ministre fédéral du Développement des ressources humaines, qui a dit que les provinces avaient rejeté le projet de programme national de garderies parce qu'elles le trouvaient inacceptable. Toutefois, on rapporte que le ministre des Ressources humaines du Nouveau-Brunswick a dit que sa province ne rejetait pas l'idée, qu'elle voulait tout simplement avoir plus de détails.Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle voir si ces déclarations se contredisent et si le ministre est prêt à rencontrer les provinces comme le Nouveau-Brunswick pour régler tout différend et pour en arriver à un programme acceptable?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je sais que dans le court laps de temps qui s'est écoulé depuis sa nomination à ce portefeuille le ministre du Développement des Ressources humaines a eu des entretiens avec plusieurs provinces. J'ignore s'il a mené à bien toutes les discussions qu'il a entreprises ou s'il envisage de procéder à d'autres entretiens avec ses homologues provinciaux. Il a certainement l'intention de donner suite à l'initiative concernant les garderies que son prédécesseur leur avait présentée avant la fin de l'année dernière. Il va falloir que je me renseigne auprès de mon collègue pour savoir où en sont exactement les discussions.
Le budget
Les pensions alimentaires pour enfants-Les modifications des lignes directrices-L'impact financier sur les parents-La position du gouvernement
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et traite des modifications proposées aux lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants, annoncées avec le récent budget et dont j'ai déjà parlé.À compter du 1er mai 1997, le parent qui a la garde n'aura plus à payer d'impôt sur les pensions alimentaires, tandis que le parent qui n'a pas la garde, celui qui paie la pension alimentaire, n'aura plus droit à une déduction fiscale.
(1510)
Dans tous les cas, en vertu des modifications proposées, les parents qui n'ont pas la garde auront moins de revenu disponible qu'auparavant. Par ailleurs, en vertu de ces mêmes modifications, de nombreux parents à faible revenu ayant la garde des enfants, en majorité des femmes comme je le faisais remarquer plus tôt, recevront moins d'argent, parce qu'elles sont dans une tranche d'imposition inférieure à celle des personnes qui paient, en général des hommes.
Le ministre de la Justice admet que, dans certains cas, les deux parents vont y perdre. Selon les chiffres du gouvernement lui-même, ce sera vrai dans environ 60 p. 100 des cas.
Ma question au leader du gouvernement est celle-ci : est-ce que le gouvernement est prêt à nous dire combien de femmes seront touchées négativement par ces changements et combien d'argent elles recevront en moins chaque mois?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis prête à demander de plus amples renseignements pour répondre à la question de mon honorable collègue.
Comme il le sait, il y a plusieurs éléments dans les propositions concernant les pensions alimentaires et les aspects fiscaux n'en sont qu'un. Je me renseignerai pour savoir si l'on a déjà des indications du nombre et des montants.
Comme mon collègue le sait peut-être, on a enquêté largement auprès du public avant de faire cette proposition. De même, il y a eu un examen de la question par les autorités fédérales, provinciales et territoriales. Il y a un nouvel ensemble de directives qui seront utilisées et qui sont destinées à faire en sorte que les parents, les avocats et, en fin de compte, les enfants qui reçoivent et sont la raison de ces changements, bénéficient d'un ensemble de principes plus justes et plus équitables dans la détermination de la pension alimentaire.
Un autre aspect important de la nouvelle politique, c'est qu'elle permettra d'économiser de l'argent. Je pense que mon collègue a mentionné qu'il avait du mal à accepter le fait que l'on donne certains avantages à des gens qui ont connu les difficultés qu'entraîne la rupture d'une famille. Toutefois, il y a aussi des familles unies qui ont de la difficulté et qui ont besoin d'aide. Une des modifications fondamentales de cette proposition verra une redistribution des fonds du fait que l'on doublera le maximum du supplément au revenu gagné, dans le cadre de la prestation fiscale pour enfants. Cela apportera une aide non seulement aux parents seuls, mais aussi aux familles à revenu modeste. On pense que quelque 700 000 familles seront touchées par cette mesure. De ce nombre, on estime qu'un tiers seront des familles à parent unique.
Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, j'espère que la déclaration selon laquelle les avocats seront les gagnants et les enfants seront les perdants est erronée.
Ce qui nous préoccupe, moi et les Canadiens qui m'ont parlé de cette affaire, c'est l'incertitude qui a entouré la démarche du ministre de la Justice après le discours du budget. Il s'est montré incertain à ce sujet. Il ne pouvait pas citer de chiffres. Il ne savait pas quelles en seraient les répercussions sur la population. Il ne savait pas combien de personnes, et notamment les femmes dans la tranche de revenu inférieur, seraient touchées par cette mesure.
Si le gouvernement a fait des études approfondies, comme l'a laissé entendre le leader du gouvernement au Sénat, comment se fait-il qu'il ne connaissait pas cette donnée pertinente avant de proposer une telle série de mesures? Le ministre parle d'aider les couples ordinaires. Nous sommes en présence de deux choses bien différentes et le ministre les confond. Il est question des gens qui sont séparés. Il est question de ceux qui paient des pensions alimentaires, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes. Ce sont les parents qui n'ont pas la garde de l'enfant. Ce sont eux qui seront pénalisés. Nous ne disposons pas des chiffres.
Pourquoi le gouvernement s'engagerait-il dans un programme de ce genre alors même qu'à la télévision, nous avons vu que le ministre de la Justice n'était pas en mesure de répondre à ces questions qui intéressent au plus haut point l'ensemble des Canadiens?
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je répondrai à mon honorable collègue que la raison qui milite en faveur de l'adoption de cette politique, c'est que les enfants qui se trouvent dans ces situations malheureuses doivent passer en premier - et non pas les avocats, bien entendu. Je pense que mon honorable collègue peut considérer cela comme un élément fondamental dans le débat sur ce dossier.
Je vais transmettre les observations de mon collègue au ministre de la Justice. Je vais tenter d'obtenir du ministère les renseignements qu'il souhaite. Il doit toutefois comprendre que, dans ce domaine, les résultats dépendent en bonne partie des lignes de conduite adoptées et des modalités d'application des conditions arrêtées dans chaque cas. Il sera peut-être difficile d'obtenir les chiffres que réclame mon honorable collègue. L'objet fondamental de cette mesure est le bien des enfants.
Dans l'équilibre à assurer entre les parents qui ont la garde et ceux qui ne l'ont pas, mon honorable collègue doit se rappeler que ces dernières années, les parents qui ont la garde se sont employés à obtenir une sorte de règlement à la suite de la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Thibodeau. Ainsi, le parent qui a la garde n'aurait pas à payer d'impôts ni à se dépêtrer seul avec la fiscalité. Il ne serait pas tenu de verser des impôts sur les sommes reçues en vertu de l'entente.
Il faut considérer cette politique comme formant un tout. Je n'isolerais pas le supplément au revenu du travail. Il fait partie intégrante de cette série de mesures. Il s'adresse aux personnes les plus démunies parmi les familles de travailleurs, les chefs de famille monoparentale. Je ne crois pas qu'il faille écarter cette mesure. Elle fait partie intégrante de la série de mesures que le gouvernement a mises en place pour le mieux-être de l'enfant. Telle est la préoccupation qui a présidé à l'élaboration de notre politique.
Les pensions alimentaires pour enfants-Les modifications des lignes directrices-La date de la diffusion des détails-La position du gouvernement
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais poser au leader du gouvernement au Sénat une question complémentaire à ce sujet. Si cette nouvelle proposition vise vraiment l'intérêt des enfants, pourquoi est-elle entourée d'autant d'incertitude? Les lignes directrices et les personnes qu'elles visent demeurent indéterminées. Le ministre de la Justice n'a pas pu répondre à ces questions.Nous avons, pendant des années, tenté de mettre en place un système uniforme de tribunaux de la famille où, dans la plupart des cas, les magistrats ont tout fait pour faciliter un règlement afin que les parents ne soient pas constamment à couteaux tirés et qu'ils n'utilisent pas les enfants comme instruments de leurs stratagèmes. L'intention du gouvernement est peut-être louable car elle vise à aider les femmes dans certaines situations, mais elle a semé la confusion et le doute dans les familles. Je crains que les enfants n'en souffrent.
Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire à quel moment nous saurons ce que sont ces lignes directrices? Est-ce que l'on annoncera aux gens quelles seront les répercussions pour eux? Nous n'avons certainement pas besoin de plus d'incertitude dans ce pays, surtout pas lorsqu'il est question des enfants. Quand aurons-nous les réponses? Pourrons-nous bientôt parler avec certitude des lignes directrices et de l'intention visée?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis entièrement d'accord avec ma collègue car nous ne voulons pas que l'incertitude et le malentendu multiplient le stress qui règne déjà dans les situations en cause.
Je ferai de mon mieux pour parler avec mon collègue et essayer d'obtenir de plus amples informations ainsi que des précisions quant à la date de diffusion de ces informations à tous ceux qui les attendent partout au pays.
Le sénateur Andreychuk: Sans parler en mon nom, mais plutôt en celui de tous les autres juges et avocats qui traitent quotidiennement des questions familiales, notamment dans les cours provinciales, j'espère que, dans le message du ministre, on dira qu'il ne s'agit pas là d'un manque de confiance dans les juges. Il semble que la confiance dans le rôle des juges s'effrite. Pour ma part, je voudrais qu'il soit clair qu'il y a des cas innombrables où des juges se sont efforcés surtout de trouver un compromis entre les parties, au lieu de se borner à appliquer textuellement la loi.
Le ministre de la Justice nous indiquera-t-il qu'il a confiance dans le système judiciaire, qui s'est occupé et continue de s'occuper de ces cas très controversés qui soulèvent beaucoup les passions?
Le sénateur Fairbairn: À mon avis, on ne devrait même pas mettre en doute la confiance qu'a le ministre de la Justice dans les juges. La question avec laquelle le gouvernement était aux prises, et elle n'est pas nouvelle, consistait à tenter de mettre en place un système meilleur, plus équitable et, en ce qui concerne les lignes directrices, plus souple pour les tribunaux. Je ne crois pas que ma collègue ou tout autre membre du gouvernement laisse entendre qu'il y a un manque de confiance dans le système judiciaire, à quelque niveau que ce soit, lorsqu'il traite ces problèmes.
Le Développement des ressources humaines
Le bilan sur la création d'emplois-La position du gouvernement
L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, ma question porte sur le terrible bilan du gouvernement sur la création d'emplois.Lorsqu'ils ont été élus en 1993, les libéraux avaient la réponse aux problèmes du chômage au Canada, soit le programme d'infrastructure. Ce plan de 6 milliards de dollars devait relancer l'économie et créer des milliers d'emplois pour les chômeurs. Nous connaissons bien les résultats de ce programme de création d'emplois bidon qui a coûté 6 milliards de dollars: des musées du canot, des cages à singes et une augmentation de la dette publique pour les trois ordres de gouvernement. Malheureusement, il y a eu très peu d'emplois créés. En fait, si on tient compte des dizaines de milliers de postes que le gouvernement fédéral a éliminés, j'ai bien peur que les résultats nets du programme d'infrastructure soient pratiquement nuls.
Conscient de son échec, le gouvernement a maintenant un nouveau plan, bien que beaucoup moins ambitieux. Il veut créer des emplois d'été pour les jeunes. C'est un objectif admirable, mais qu'en est-il des emplois à long terme pour les gens moins jeunes? L'absence d'un plan pour ces gens est-il simplement une indication que le gouvernement fédéral a décidé d'abandonner ces gens à leur sort? Que fait-on de la dignité que confère un emploi?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Pour répondre simplement à la question de ma collègue, la politique du gouvernement tourne encore autour de la nécessité de créer des emplois, de trouver des emplois à temps plein et de donner aux gens la formation professionnelle nécessaire.
Je pourrais peut-être obtenir d'autres renseignements pour ma collègue sur l'effet cumulatif du programme d'infrastructure. Nous nous laissons trop souvent attirer par des manchettes et des articles qui, à partir d'une longue liste de réalisations découlant de ce programme, relèvent certains exemples qui peuvent, ici, à Ottawa, à l'intérieur de ces murs illustres, sembler plutôt insignifiants. Je pense à un exemple dont on a parlé la semaine dernière en Alberta. Une petite collectivité s'est fait ridiculiser pour avoir profité du programme d'infrastructure afin de s'acheter une tondeuse communautaire. On a considéré que c'était peut-être là un gaspillage d'argent.
Je peux dire à mon honorable collègue que de petites et de grosses localités de tout le pays ont pu, grâce aux ressources combinées des trois ordres de gouvernement, obtenir des choses dont elles avaient besoin. Dans ma province, grâce à une entente profonde tout à fait louable entre les trois ordres de gouvernement, toutes les localités, petites et grandes, de l'Alberta ont profité de ce programme en fonction de leur population. La majorité des projets sont des programmes courants d'infrastructure. Dans ma ville, il y a une semaine, on a célébré à l'université le programme d'infrastructure le plus innovateur. Il s'agit d'un projet incroyable de haute technologie découlant des attentes du gouvernement fédéral, qui souhaitait un programme innovateur. Il devrait y avoir davantage de programmes de ce genre dans tout le pays.
Loin d'être un échec, le programme d'infrastructure est un franc succès. Les collectivités reconnaissent qu'il leur permet non seulement de créer des emplois, mais d'apporter de l'aide plus rapidement, ainsi que de réaliser des projets qui n'auraient pas vu le jour autrement.
En ce qui concerne la question plus large, comme l'opposition le sait pertinemment, pour essayer de réduire le déficit et la dette, le gouvernement doit procéder à des compressions difficiles qui entraînent la suppression d'emplois. Cependant, on a également créé plus d'un demi-million d'emplois au cours des trois dernières années. Depuis trois mois, le nombre d'emplois augmente sans cesse, l'élan est ainsi donné. Il est vrai que ce nombre avait baissé au cours de l'année à cause des incertitudes au Canada et de la volatilité des marchés internationaux. Cependant, la croissance de la création d'emplois est maintenant plus forte, comme en témoignent les chiffres des trois derniers mois. Cette croissance fait qu'on n'a pas vu depuis plusieurs mois autant de Canadiens chercher activement un emploi.
Le sénateur Cohen: J'apprécie le ton optimiste qu'adopte madame le leader quand elle décrit les efforts de son gouvernement.
Le sénateur Berntson: C'est son travail.
Le sénateur Cohen: Je suis peut-être influencée par la triste situation que vivent les travailleurs saisonniers au Nouveau-Brunswick, ainsi que par les problèmes dont nous sommes quotidiennement témoins. Toutefois, je considère qu'il faut prendre cet optimisme avec un grain de sel, étant donné que le ministre des Finances n'a pas eu le courage d'inclure la moindre prévision sur le chômage dans son budget.
Il n'y a pas si longtemps, celui qui était chef de l'opposition et qui faisait campagne pour devenir premier ministre a pris la parole sur la colline pour rappeler le bon vieux temps et promettre des emplois, toujours des emplois. Aujourd'hui, le premier ministre blâme les entreprises, même si son gouvernement n'a pas réussi à créer un environnement favorable au commerce, et le ministre du Développement des ressources humaines qualifie les chômeurs de paresseux et de désoeuvrés, et il n'a pas de temps à leur consacrer.
Peut-on parler de leadership? D'espoir?
Le sénateur Fairbairn: Le nouveau ministre du Développement des ressources humaines fait preuve d'un grand dynamisme en matière de création d'emplois.
Le sénateur Berntson: Il fera avec les emplois ce qu'il a fait avec l'aéroport Pearson.
Le sénateur Fairbairn: Le ministre est à l'écoute. Il est à l'écoute du Nouveau-Brunswick et du Canada atlantique, ainsi que des grands centres où la situation des travailleurs saisonniers fait aussi problème. Le ministre s'est attaqué à ses nouvelles fonctions l'esprit ouvert. Il a encouragé le comité de la Chambre des communes qui étudie actuellement le projet de loi à présenter des idées. Il a dit qu'il ne s'en tiendrait pas au statu quo à l'égard de ce projet de loi. Il est prêt à recevoir des amendements, notamment sur la question des travailleurs saisonniers.
[Français]
La réforme de l'assurance-chomâge-Demande de la formation d'un comité spécial pour étudier le projet de loi C-111
L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, en préambule à une question au leader du gouvernement au Sénat, en décembre, en cette Chambre, je faisais une lecture partielle d'un éditorial de L'Acadie nouvelle où l'auteur déplorait que les députés et ministres fédéraux et libéraux du Nouveau-Brunswick semblaient satisfaits de laisser à certains fonctionnaires la défense du projet de loi sur l'assurance-chômage.L'auteur ajoutait qu'à son avis, les deux ministres libéraux du Nouveau-Brusnswick étaient déjà en hibernation à Ottawa, au lieu de se présenter au Nouveau-Brunswick pour expliquer ledit projet de loi et pour justifier les mesures qui affectaient de façon cruelle les travailleurs saisonniers.
[Traduction]
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Que mon honorable collègue m'excuse de l'interrompre. Je voudrais comprendre de quoi il parle. Je crains que le système d'interprétation ne fonctionne pas bien. Peut-on rétablir le service pour que je puisse comprendre la question du sénateur?
[Français]
Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, j'ai décidé de parler en français. Est-ce que les services de traduction et d'interprétation fonctionnent correctement? Je vais recommencer la question.
En préambule, en décembre, en cette Chambre, je faisais une lecture partielle d'un éditorial de L'Acadie nouvelle, le journal provincial des francophones du Nouveau-Brunswick, où l'auteur déplorait que les députés libéraux, surtout les ministres libéraux du Nouveau-Brunswick, semblaient satisfaits de laisser à certains fonctionnaires la défense du projet de loi sur l'assurance-chômage.
L'auteur devait ajouter qu'à son avis, les ministres libéraux, Robichaud et Young, entre autres, étaient déjà en hibernation à Ottawa, au lieu de se présenter au Nouveau-Bruswick pour expliquer ledit projet de loi et justifier par la même occasion les mesures qui affecteraient de façon cruelle les travailleurs saisonniers notamment.
On sait, par le truchement de la télévision, que les deux ministres libéraux sont allés au Nouveau-Brunswick depuis décembre. Il y a eu un changement de tactique. Le ministre du Développement des ressources humaines pourrait écouter sérieusement, respectueusement et faire un effort de compréhension des inquiétudes des citoyens du Nouveau-Brunswick. C'est un type que l'on connaît très bien au Sénat parce qu'il a mis tous les sénateurs dans le même sac de profiteurs, d'après lui. Au Nouveau-Brunswick, on le connaît depuis 1982 au moins. Il a changé de tactique.
La semaine dernière, il traitait un député bloquiste de «baveux». Il a traité les travailleurs du Nouveau-Brunswick d'abuseurs de la cagnotte de l'assurance-chômage. Il a accusé certains travailleurs d'être des fauteurs de trouble, d'être des mercenaires à la tête des syndicats, au lieu d'écouter les citoyens du Nouveau-Brunswick.
Depuis quelques jours, on sait que le ministre Young a déposé le même projet de loi sous l'appellation C-111. Depuis trois ou quatre mois, il devait écouter. Il n'a changé aucun mot, aucune virgule au projet de loi. Ma question est la suivante: est-ce que la formation politique que le leader du gouvernement au Sénat représente est prête à nous dire si le gouvernement pourrait accepter qu'un comité du Sénat ou qu'un comité spécial soit formé pour étudier le projet de loi C-111?
Les citoyens du Nouveau-Brunswick et, en grande majorité, ceux du Canada nous ont déclaré - cela apparaît dans les sondages - qu'ils sont en faveur d'une véritable réforme qui respecterait les droits des travailleurs saisonniers. On n'est pas contre toute réforme de l'assurance-chômage. Les citoyens du Nouveau-Brunswick sont plus intelligents que cela. Ils préfèrent être traités en dignes citoyens.
Est-ce que le gouvernement, par la voix du leader du gouvernement au Sénat, est prêt à constituer ce comité de façon à ce que les travailleurs soient entendus?
[Traduction]
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, nous pouvons discuter ici du travail des comités déjà constitués et de la possibilité d'en former d'autres. Cependant, je le répète, le projet de loi, dont l'honorable sénateur dit qu'on n'y a rien changé depuis sa présentation, est maintenant entre les mains d'un comité de l'autre endroit. Le ministre responsable a clairement dit qu'il sollicitait des conseils et des propositions d'amendement et qu'il se préoccupait des travailleurs saisonniers. Il a dit qu'on pourrait apporter au projet de loi des changements qui pourraient être utiles. Le processus parlementaire actuellement en place reflète bien les préoccupations que l'honorable sénateur a exprimées ici au Sénat.
Je ne relèverai pas les premières observations de l'honorable sénateur, sauf pour dire que les ministres représentant le Nouveau-Brunswick se sont beaucoup occupés de ce dossier dans leur circonscription. Ils ont également travaillé d'arrache-pied ici à Ottawa pour trouver des solutions de remplacement. Ils sont à l'écoute des parlementaires à l'autre endroit et demandent à ceux qui sont chargés d'étudier les projets de loi d'écouter eux aussi et de faire des suggestions.
En ce qui concerne le Sénat, les honorables sénateurs peuvent discuter du travail des comités pour voir où l'on pourrait aborder ce dossier. Quand nous recevrons ce projet de loi au Sénat, je suis convaincue qu'il sera différent de ce qu'il est à l'heure actuelle.
[Français]
Le sénateur Simard: Si je comprends bien la réponse du leader du gouvernement, elle est opposée à cette idée, son idée est faite. La Chambre des communes, comme il a été planifié par le gouvernement libéral, devra continuer son travail à la petite semaine. Elle refuse de donner son appui à une pré-étude, à des consultations entre partis, et cetera, de façon à ce qu'il y ait véritablement, de concert avec la Chambre des communes, un comité chargé de l'étude du projet de loi C-111 au Sénat. Elle nous dit que les députés, M. Young inclus, sont très favorables à des amendements.
Pourquoi ne pas avoir deux comités? De ce côté-ci de la Chambre, des sénateurs conservateurs du Nouveau-Brunswick et d'autres provinces aimeraient entendre les témoignages des travailleurs visés par la réforme. Il y a des sénateurs libéraux intéressés à faire la même chose. Est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous donner un peu d'espoir quant à la formation éventuelle de ce comité dans les plus brefs délais?
[Traduction]
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je crois que le sénateur interprète à tort mes propos comme un refus. Je n'ai rien dit de tel. L'usage au Sénat veut, c'est du moins le cas depuis que je siège ici, que les deux côtés fassent tout leur possible pour se consulter et discuter au sujet de la façon de mener nos travaux. C'était précisément le sens de mes observations.
(1540)
Je rappelle cependant que l'honorable sénateur a semblé croire que la porte était fermée de ce côté-ci et que le sort du projet de loi était décidé d'avance. Je tiens à lui dire que ce n'est absolument pas le cas et qu'il s'agit plutôt de demander conseils et avis. Le ministre a indiqué clairement qu'il attendait de recevoir des propositions d'amendement concernant certains aspects du projet de loi qui, de toute évidence, préoccupent beaucoup les sénateurs des deux côtés.
L'honorable sénateur semblait dire qu'il croyait que les choses étaient décidées d'avance de ce côté-ci. Ce n'est pas le cas.
[Français]
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je regrette, mais nous avons déjà dépassé le temps alloué pour la période des questions depuis plusieurs minutes. Il y a eu plusieurs discours et je dois suivre le Règlement.
[Traduction]
Bibliothèque du Parlement
Langues officielles
Examen de la réglementation
Comités mixtes permanents-Message des communes
Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu des Communes le message suivant:Il est ordonné,-Que les Comités mixtes permanents soient composés des membres suivants:
Bibliothèque du Parlement
Membres
Adams, Gallaway, Karygiannis, Mayfield, Mercier, O'Brien, Skoke-(7)
Membres associés
White (Vancouver-Nord)
Langues officielles
Membres
Allmand, Bellemare, Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine), Godfrey, Marchand, Ringma, Serré-(7)
Membres associés
Leroux (Richmond-Wolfe), Silye
Examen de la réglementation
Membres
Fillion, Harb, Knutson, Lebel, Lee, McTeague, Wappel, White (North Vancouver)-(8)Qu'un message soit transmis au Sénat afin d'informer les honorables sénateurs des noms des députés qui représenteront la Chambre aux comités mixtes permanents.
ATTESTÉ:
Le greffier de la Chambre des communes,
Robert Marleau
Code de conduite
Comité mixte spécial-Message des Communes
Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu des Communes le message suivant:Il est ordonné-Qu'un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes soit formé et chargé d'élaborer un code de conduite destiné à aider les sénateurs et les députés à concilier leurs responsabilités officielles et leurs intérêts personnels, y compris leurs relations avec les lobbyistes;
Que le comité soit composé de sept sénateurs et quatorze députés et que les membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de la Chambre soient nommés pour agir au nom de la Chambre à titre de membres dudit comité;
Que les modifications apportées à la représentation de la Chambre des communes au sein du comité entrent en vigueur immédiatement après qu'un avis signé par le député occupant le poste de whip en chef de tout parti reconnu ait été déposé auprès du greffier du comité;
Qu'il soit ordonné au comité de mener de vastes consultations et d'examiner les démarches adoptées à l'égard de ces questions au Canada et dans les régimes gouvernementaux comparables;
Que les témoignages recueillis par le Comité mixte spécial sur un code d'éthique pendant la première session de la trente-cinquième législature soient réputés avoir été déposés sur le Bureau et renvoyés au comité;
Que le comité ait le pouvoir de siéger durant les travaux de la Chambre et au cours des périodes d'ajournement;
Que le comité ait le pouvoir de faire rapport de temps à autre, de convoquer des témoins, de demander le dépôt de documents et de dossiers et de faire imprimer des documents et des témoignages;
Que le comité ait le pouvoir de recourir aux services d'experts, de professionnels, de techniciens et d'employés de bureau;
Que le quorum du comité soit établi à 11 membres lorsqu'il y a prise d'un vote, d'une résolution ou d'une décision, à la condition que les deux chambres soient représentées, et que les coprésidents soient autorisés à tenir réunion, à entendre des témoignages et à autoriser leur impression, à la condition que six membres du comité soient présents et que les deux chambres soient représentées;
Que le Comité soit habilité à mettre sur pied, en se servant de ses propres membres, tous les sous-comités qu'il jugera utiles, et à déléguer à ces sous-comités tous ses pouvoirs, sauf celui de faire rapport au Sénat et à la Chambre des communes;
Que le comité ait le pouvoir d'autoriser la télédiffusion et la radiodiffusion de tous ses travaux;
Que le comité dépose son rapport final au plus tard le 21 juin 1996;
Que, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport final du comité est terminé, le rapport puisse être déposé auprès du greffier du Sénat et qu'il soit considéré comme ayant été présenté à cette Chambre; et finalement,
Qu'un message soit envoyé au Sénat le priant de se joindre à la Chambre pour les fins susmentionnées et de choisir, s'il le juge opportun, des sénateurs pour le représenter audit comité mixte spécial.
ATTESTÉ:
Le greffier de la Chambre des communes,
ROBERT MARLEAU
Les travaux du Sénat
Réimpression du Règlement du Sénat
Son Honneur le Président: Avant d'appeler l'ordre du jour, je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs sur le nouveau Règlement du Sénat qui leur a été remis aujourd'hui. Des changements mineurs ont été apportés. Un article a été supprimé, ce qui a rendu nécessaire de procéder à une nouvelle numérotation. L'index a été revu au complet par les services de la Bibliothèque du Parlement, ainsi que l'avaient demandé d'honorables sénateurs.ORDRE DU JOUR
Discours du Trône
Motion d'adoption de l'adresse en réponse-suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bacon, appuyé par l'honorable sénateur Rompkey, tendant à l'adoption d'une Adresse à Son Excellence le Gouverneur général en réponse au discours qu'il a prononcé lors de l'ouverture de la session. - (L'honorable sénateur Lynch-Staunton). (1er jour de la reprise du débat)
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, mes premiers mots sont pour le sénateur Bacon et le sénateur Rompkey, qui ont proposé et appuyé avec grande éloquence la motion tendant à l'adoption d'une Adresse en réponse au discours du Trône. Je tiens à les féliciter en particulier d'avoir été capables d'en dire autant sur si peu car, en fait, si le discours est riche en paroles, il est pauvre dans son contenu. À peine a-t-il été prononcé qu'il a créé une grande confusion qui persiste aujourd'hui.
Je vous citerai seulement un exemple. Le discours dit que le gouvernement va annoncer des mesures pour doubler cet été le nombre d'emplois d'été pour les étudiants. Cependant, le lendemain, le premier ministre disait: «Voilà pourquoi nous avons annoncé dans le discours du Trône d'hier que le gouvernement doublerait, cette année, sa contribution à la création d'emplois d'été». Le gouvernement va sans doute prétendre que c'est une erreur, alors qu'en réalité, ce n'est que l'un de nombreux exemples d'un effort bâclé qui, en plus, fait que les Canadiens sont moins au courant que jamais des plans conçus par le gouvernement pour régler la question de l'unité nationale.
Je résisterai à l'envie de faire la revue détaillée de la piètre performance du gouvernement durant la première session de cette législature. En résumé, sa mesure législative la plus positive lui a été inspirée par l'administration Mulroney et signifiait l'abandon de nombreuses promesses importantes inscrites dans le livre rouge. Ses propres contributions sont piètres: deux projets de loi de retour au travail; une mesure législative autorisant l'intervention dans les eaux internationales nonobstant toute décision de la Cour internationale de Justice, qui pourrait finir par déclarer cette mesure législative contraire au droit international; un projet de loi qui aurait permis que les prochaines élections se fassent sur la base des circonscriptions électorales existantes, ceci simplement pour faire plaisir à une poignée de mécontents au sein du caucus libéral; un soi-disant projet de loi en matière de contrôle des armes à feu, qui crée autant de divisions qu'avant l'adoption de ce projet de loi; un soi-disant projet de loi en matière de veto dont personne ne voulait et que l'on a déjà abandonné parce qu'il n'avait aucun sens; et, bien sûr, le projet de loi C-22 si impopulaire, selon lequel des Canadiens innocents n'étaient pas aptes à obtenir la protection de la loi garantie à tous les citoyens dans la Constitution.
Non content d'avoir tenté de supprimer des droits fondamentaux, le gouvernement est allé jusqu'à supprimer la présomption d'innocence pour un ancien premier ministre en avisant un gouvernement étranger qu'il était coupable d'une infraction criminelle avant même que des accusations aient été portées au Canada.
Ce n'est pas seulement un triste bilan, mais un bilan inquiétant, parce qu'il révèle que neuf ans dans l'opposition n'ont rien fait pour tempérer l'arrogance qui constitue le trait principal du Parti libéral du Canada. En fait, cette arrogance atteint régulièrement de nouveaux sommets. Les sénateurs d'en face rejetteront évidemment cette affirmation en disant qu'elle est motivée par un sectarisme aveugle. Je me permets de leur rappeler que ce point de vue est partagé par un bon nombre de personnes associées à leur parti, notamment par notre distingué collègue, le sénateur Pitfield, qui a dit, en parlant du projet de loi C-68:
Ottawa est peut-être aussi arrogant que beaucoup de gens semblent le croire. Nous devrions peut-être faire un examen de conscience...
D'après moi, ce projet de loi montre que le Parti libéral n'a toujours pas tiré de leçon du revers qu'il avait subi dans les années 80.
Les Canadiens sont ainsi aux prises avec une attitude paternaliste et autoritaire, mais ce qu'il y a d'encore plus inquiétant, c'est la politique incroyablement changeante et contradictoire du gouvernement dans les relations entre les provinces et le gouvernement national - et je me demande même s'il est permis d'appeler ça une politique. Jusqu'à moins de deux semaines avant le référendum du 30 octobre, au Québec, le premier ministre allait d'un dîner-bénéfice à l'autre, dans l'ouest du Canada, pour rassurer les auditoires en leur disant que le NON allait l'emporter haut la main. Il leur disait de ne pas s'inquiéter, de rester en dehors de tout ça, car le gouvernement avait les choses bien en main. Soudain, quelques jours avant le référendum, on le voit à la télévision parler de crise et lancer un appel à tous les Canadiens pour qu'ils fassent leur part. En désespoir de cause, il a alors pris de vagues engagements envers le Québec, et il y a donné suite en adoptant récemment la résolution sur la société distincte et ce qu'on a appelé le projet de loi sur le droit de veto. Ni l'une ni l'autre de ces mesures n'a suscité autre chose que de l'ennui et de l'indifférence de la part de la grande majorité des Québécois. Depuis le référendum, le désarroi n'a fait que s'accroître au sein du gouvernement, et le discours du Trône n'a fait qu'accentuer cet état de choses.
La nomination de deux ministres non élus en provenance du Québec rappelle à beaucoup un événement similaire survenu dans les années 60 lorsque M. Pearson est allé chercher trois candidats au Québec, choisis en dehors des rangs du Parti libéral; l'un d'eux devait devenir son successeur et présider au marasme économique et constitutionnel dans lequel se trouve encore notre pays. La comparaison risque d'être en partie exacte si le ministre des Affaires intergouvernementales continue plus longtemps à semer la confusion et l'inquiétude comme il l'a fait depuis le jour de sa nomination et comme le font un certain nombre de ses collègues, à l'instar du premier ministre.
Plan A. Plan B. Si le Canada est divisible, le Québec l'est aussi. Un référendum national? Peut-être bien que oui, peut-être bien que non. Pourquoi pas des élections générales cette année? La Cour suprême sera appelée à se prononcer sur le droit de sécession. Non, il n'en est rien. Et ainsi de suite; c'est d'autant plus troublant qu'un fil commun relie toutes ces déclarations aussi contradictoires que déroutantes : le gouvernement du Canada, dont le rôle principal est d'être le protecteur de la fédération, est carrément entré dans le débat sur la possibilité qu'une province puisse faire sécession, au lieu de jouer son rôle traditionnel et essentiel, qui est de concilier les différents point de vue entre les provinces, et entre les provinces et le fédéral, non seulement pour maintenir l'unité de la fédération, mais aussi pour contribuer à son évolution dictée par la tournure des événements.
Le discours du Trône confirme l'embarras et l'ineptie du gouvernement face à la question de l'unité nationale. Il fait des déclarations grandiloquentes, promettant de ne pas se servir de son pouvoir de dépenser pour créer des programmes à frais partagés dans les domaines de compétence provinciale sans le consentement de la majorité des provinces. C'est sans grande portée puisque le pouvoir de dépenser du fédéral est aussi négligeable que celui des provinces. Il suffit de voir ce qui est arrivé au programme de garderies mis de l'avant par l'ancien ministre du Développement des ressources humaines pour prendre conscience de ce qui est évident pour tous sauf pour le gouvernement.
Il y a ensuite toute une liste de ce que le gouvernement est prêt à faire pour, comme il est dit prétentieusement dans le discours, s'assurer que la fédération canadienne soit modernisée de façon à répondre aux besoins du XXIe siècle, ce qui n'est que dans quelques années.
Le discours ne renferme aucune initiative originale, encore moins motivante, ou même sérieuse, pour aider le gouvernement à relever les défis fondamentaux d'aujourd'hui, parce que le gouvernement est encore traumatisé, pour ne pas dire dans le même état de choc que le soir du 30 octobre. Quelle autre conclusion pouvons-nous tirer à la lecture de cet extrait du discours?
Tant qu'il sera question d'un autre référendum au Québec, le gouvernement s'acquittera de sa responsabilité, qui est de s'assurer que l'on joue cartes sur table, que les règles sont équitables, que les conséquences sont clairement énoncées et que les Canadiennes et les Canadiens, où qu'ils vivent, ont leur mot à dire sur l'avenir de leur pays.
Que cela signifie-t-il? Comme le gouvernement n'a pas encore fourni d'explications, du moins avec une certaine cohérence, nous ne pouvons que tirer nos propres conclusions, qui sont toutes plus énigmatiques les unes que les autres. Le gouvernement laisse entendre de façon peu subtile que, pendant la campagne menant au référendum du 30 octobre, les cartes n'étaient pas toutes sur la table et que les règles n'étaient pas équitables. Sur quoi fonde-t-il ses allégations? La réponse à la première question est simple: si les cartes n'étaient pas toutes sur la table, c'est parce que le gouvernement fédéral s'est tenu loin de la campagne référendaire jusqu'à la dernière minute et qu'il a même enjoint ses propres partisans de l'extérieur du Québec à ne pas participer à la campagne. Les non-libéraux étaient encore moins les bienvenus dans cette campagne, y compris les sénateurs québécois de ce côté-ci qui ont plus d'une fois offert leur collaboration à leurs collègues d'en face. Notre offre n'a jamais été acceptée, ce qui n'a pas empêché les sénateurs conservateurs du Québec de participer activement à toutes les facettes de la campagne - que ce soit la collecte de fonds, l'organisation de la campagne, la rédaction de discours ou bien d'autres activités - qui méritent tous des félicitations pour les efforts qu'ils ont déployés.
Quant à la question de l'équité des règles, elle n'a pas été soulevée après le référendum de 1980, même si les règles appliquées à l'époque étaient exactement les mêmes que celles respectées en octobre dernier. En dénonçant le processus, le gouvernement cherche simplement à détourner l'attention de la population d'une situation navrante, soit du fait que le gouvernement est complètement détaché de la réalité lorsque vient le temps de renforcer la fédération. Il y a à peine deux semaines, le premier ministre a poussé l'effronterie jusqu'à déclarer que les fédéralistes avaient gagné malgré une question croche. Appelé à décrire les plans élaborés par son gouvernement pour promouvoir l'unité nationale, le premier ministre a dit: «Nous avons un plan. Nous voulons préserver l'unité du Canada...» Interrogé de toutes parts, il a ajouté: «Dites-moi quelle sera la question, dites-moi quand aura lieu le référendum et je vous dévoilerai tous mes plans.»
Honorables sénateurs, le premier ministre du Canada a dit que ses plans dépendent de la date du référendum et de la question référendaire. Dans la bouche de qui que ce soit d'autre, cette observation serait considérée comme ridicule, mais venant du chef du gouvernement canadien, elle montre à l'évidence que non seulement il n'a pas de plan, mais qu'il n'en a pas parce qu'il ne sait même pas quoi planifier.
Je conviens parfaitement que tous les Canadiens doivent se prononcer sur l'avenir de leur pays, mais ne doivent-ils le faire qu'en temps de décisions capitales? Le gouvernement est-il si ignorant de ce qui se passe au Québec et si dénué d'initiative qu'il doive se contenter de réagir aux événements au lieu de les provoquer?
À l'extérieur du Québec, le gouvernement peut avoir avantage à qualifier de séparatistes les gens qui ont voté OUI au référendum du 30 octobre, mais seulement au détriment de la réalité. Une majorité écrasante de Québécois veut demeurer dans le Canada. En 1976, les Québécois ont élu René Lévesque non par conviction politique, mais parce qu'ils en avaient assez du gouvernement sortant. M. Lévesque ne l'a jamais oublié, au grand désarroi des partisans de la ligne dure au sein de son parti qui, sous la direction de Jacques Parizeau, l'ont abandonné.
En 1980, beaucoup de Québécois ont voté NON au référendum parce qu'ils croyaient dans l'engagement du premier ministre de l'époque. En 1993, beaucoup ont voté pour le Bloc québécois parce qu'ils étaient déçus des partis progressiste-conservateur et libéral. En 1994, beaucoup de ceux qui ont voté pour le Parti québécois l'ont fait pour la même raison qu'en 1976. Et beaucoup ont dit OUI l'an dernier parce qu'ils veulent que soient redéfinies la place et les responsabilités du Québec au sein de la fédération, sentiment qui s'exprime de diverses façons depuis plus d'un siècle et qui s'exprime aussi, quoique différemment, dans d'autres provinces.
Depuis 1960, le mécontentement à l'égard du régime fédéral se manifeste avec une intensité particulière, quelles que soient les priorités politiques du gouvernement en place. Je le répète, il remonte à très loin dans le temps, mais ce n'est que depuis 35 ans environ qu'il s'exprime avec autant de passion et de conviction et cela, surtout par ceux-là mêmes qui veulent rester dans le Canada.
Cependant, le gouvernement actuel ne tient pas beaucoup compte des tenants de la modération, traumatisé qu'il est par les tenants de la séparation. Ce qui est tellement décevant pour les fédéralistes du Québec c'est que, à l'instar de M. Trudeau, qui a repoussé M. Bourassa d'une manière fort cavalière, M. Chrétien néglige les appréhensions de M. Johnson, dont l'engagement envers un fédéralisme renouvelé ne saurait être plus clair.
Il y a une phrase du discours qui donne à penser que le Parti libéral a peut-être décidé d'élargir sa vision de la fédération et de ne plus voir celle-ci avec des oeillères. Lorsqu'il est question de la reconnaissance du Québec comme société distincte et des vetos régionaux, le discours dit ceci: «Le gouvernement est favorable à l'inscription de ces dispositions dans la Constitution.» C'est une façon on ne peut plus catégorique d'exprimer un objectif. Ce qui n'est pas mentionné, cependant, c'est comment on compte l'atteindre. L'échéance d'avril 1997 arrivera avant que nous ayons eu le temps de nous en rendre compte, notamment si les préparatifs et les objectifs liés à la conférence constitutionnelle qui devra alors avoir lieu ne sont pas bientôt rendus publics. Le Sénat peut jouer un rôle majeur dans l'élaboration d'une position fédérale, et j'exhorte le gouvernement à réagir avec enthousiasme et rapidement aux efforts que vient de déployer le sénateur Beaudoin pour former un comité chargé d'établir les lignes directrices et les propositions devant mener à une rencontre positive et fructueuse en 1997.
Quelle que soit la nature du gouvernement du Québec, quelles que soient ses orientations politiques, il reste que la vaste majorité des Québécois veulent demeurer au sein de la fédération et qu'ils attendent impatiemment les recommandations du gouvernement fédéral en réponse aux demandes de longue date des fédéralistes du Québec, par opposition à celles des séparatistes, et à celles des autres provinces.
Le discours fait état d'une réunion à laquelle seront convoqués les premiers ministres d'ici quelques mois, «réunion où l'on discutera de la meilleure façon... d'apporter les changements qui s'imposent pour renouveler le Canada». Cela semble au moins vouloir dire qu'on est en train de concevoir des changements au sein de la fédération. J'imagine qu'il vaut mieux tard que jamais, mais le temps presse et c'est seulement la commotion causée par les résultats du 30 octobre qui a poussé le gouvernement à sortir de sa léthargie.
Les ruminations d'un universitaire devenu un néophyte de la politique n'ont fait qu'ajouter à la confusion et n'ont rien clarifié, tandis que celles du premier ministre et d'autres suscitent des inquiétudes par rapport aux hésitations d'un gouvernement divisé à un moment où un leadership fort et ferme sur la question de l'unité nationale est désespérément souhaité au niveau fédéral. Laissons le gouvernement, pour une fois au moins, ravaler son orgueil et reconnaître que l'opposition à l'Accord du lac Meech, auquel le discours du Trône fait allusion sans trop de subtilité, était une terrible erreur. Il convient de féliciter le ministre Dion qui, dans une de ses quelques déclarations non ambiguës, a dit récemment en Colombie-Britannique que la clause de la société distincte n'est qu'interprétative, qu'elle ne confère pas de pouvoirs particuliers au Québec et qu'elle ne modifie en rien la répartition fédérale-provinciale des pouvoirs. C'est pourquoi sa constitutionnalisation ne réglera rien sauf peut-être qu'elle aura pour effet de reconnaître juridiquement un fait évident. Ce qu'il faut, c'est une entente sur la répartition des pouvoirs, et c'est là-dessus que le gouvernement fédéral doit se concentrer afin que ses propositions soient connues et discutées le plus largement possible bien avant la réunion qui aura lieu dans un an.
Il y a un paragraphe dans le discours du Trône qui n'a pas d'égal quant à son caractère prétentieux, et le mot est faible. «Les ministres ont tenu à observer les normes d'intégrité et d'honnêteté les plus élevées dans l'exercice de leur mandat.» Cette déclaration a en fait été contredite à maintes reprises, et j'ai déjà mentionné certaines de ces occurrences. Je voudrais toutefois m'attarder pendant quelques minutes sur un cas assez flagrant, soit l'enquête sénatoriale sur le contrat de l'aéroport Pearson et les tentatives constantes du gouvernement d'empêcher le comité d'obtenir tous les faits. Je le fais en sachant fort bien que les libéraux voudraient bien en finir avec cette question, car ils en ont assez d'entendre parler du fait que Robert Nixon en est venu à ses conclusions erronées, qui ont été acceptées aveuglément au mépris des faits par les ministériels siégeant au comité. Je n'ai pas l'intention de parler du contenu du rapport et de l'avis minoritaire aujourd'hui, car je prévois toujours de faire une interpellation, une voie qui est mieux indiquée pour discuter de cette affaire. Aujourd'hui, je me contenterai d'expliquer à ceux qui ont encore des illusions à propos de l'impartialité du gouvernement à l'égard de ses opposants comment le comité a constamment rencontré des obstacles dans sa recherche de la vérité et comment les membres du comité qui appuient le gouvernement ont reçu un traitement préférentiel. Laissez-moi vous donner seulement quatre exemples.
(1600)
Tout d'abord, au début de septembre, le comité a été informé qu'il y avait encore beaucoup de documents à divulguer, mais qu'ils étaient accessoires aux témoignages qu'il restait à entendre. Néanmoins, le gouvernement promettait de les produire rapidement. Ils n'ont pourtant été livrés au bureau du greffier que deux mois plus tard, soit le vendredi 3 novembre, à 16 heures. Aucun préavis n'avait été donné et, contrairement aux assurances reçues, beaucoup de documents revêtaient une grande importance. Le lundi suivant, les membres libéraux du comité connaissaient extrêmement bien certains de ces documents et l'interprétation qu'ils en donnaient démontrait qu'ils avaient eu droit à une bonne séance d'information sur leur contenu pendant la fin de semaine. De leur côté, les membres conservateurs n'avaient eu que très peu, sinon pas du tout, de temps pour examiner les documents, ce qui les plaçait de toute évidence en situation d'infériorité la dernière journée des audiences.
Deuxièmement, beaucoup de documents avaient été censurés par le gouvernement, qui avait invoqué une interprétation des plus généreuses de la Loi sur l'accès à l'information. Par exemple, un document avait été amputé de nombreux passages aux termes de l'article 23 de la loi, qui porte sur le secret professionnel liant un avocat à son client. Lorsque le texte non expurgé a été reçu, on a constaté que ce qui avait été masqué n'était pas un avis juridique, mais les noms des avocats. Plus troublant, cependant, à au moins deux occasions, des membres libéraux du comité ont eu en leur possession des exemplaires non modifiés des documents tandis que les membres de l'opposition et le personnel au comité avaient reçu des exemplaires expurgés. L'«erreur involontaire» a été invoquée comme explication boiteuse, ce qui était aussi original que l'«erreur de bonne foi» invoquée par l'ancien ministre du Patrimoine canadien pour expliquer pourquoi il avait écrit au CRTC au nom d'un électeur de sa circonscription.
À plus d'une reprise, on a suggéré que l'avocat du comité, après avoir prêté serment de discrétion, puisse examiner les documents non censurés pour éviter que des erreurs involontaires, des omissions, des erreurs de bonne foi ou quoi que ce soit du genre se reproduise. Le gouvernement a refusé, préférant confier cette tâche à une étude d'avocats du secteur privé et à un groupe de comptables judiciaires parfaitement disposés à accepter les ordres du gouvernement, ce qui a coûté plus d'un million de dollars aux contribuables canadiens.
Troisièmement, sans demander la permission du gouvernement sortant, le gouvernement actuel, qui n'avait pas encore été assermenté, n'a pas hésité à mettre les documents du Conseil du Trésor à la disposition de Robert Nixon et de ses associés immédiats après qu'ils eurent signé une entente de confidentialité, documents qui, de l'avis même de ces gens, ont influé considérablement sur les conclusions et les recommandations du rapport Nixon. Pour mieux comprendre la situation, les députés de l'opposition membres du comité ont demandé à voir les documents du Conseil du Trésor, mais le gouvernement a refusé, invoquant le principe de la confidentialité des documents du Cabinet même si, selon les gens qui y ont eu accès, ils contenaient des analyses factuelles et étaient loin d'être délicats du point de vue politique.
Les mêmes documents qu'on a refusé de mettre à la disposition d'un comité parlementaire tenant des audiences publiques où les témoignages étaient faits sous serment et consignés au compte rendu ont été mis à la disposition d'une personne embauchée pour justifier la promesse électorale d'annulation des accords de l'aéroport Pearson en interrogeant certains témoins qui, pour la plupart, étaient contre la privatisation et dont les témoignages, si on peut utiliser ce terme, ont été entendus à huis clos et n'ont été consignés nulle part.
Le dernier exemple, et il y en a beaucoup d'autres, y compris le refus du gouvernement de collaborer à une enquête parlementaire, est le fait que le comité a été obligé de sommer les avocats du ministère de la Justice à comparaître parce qu'ils avaient refusé à deux reprises de le faire volontairement.
Que pouvons-nous en conclure? Simplement ceci: ayant pris à la hâte la décision d'annuler les accords de l'aéroport Pearson sans même se donner la peine de les faire examiner par des experts impartiaux, ayant présenté une mesure législative pour confirmer l'annulation des accords et ayant refusé l'application de la règle du droit aux parties concernées, le gouvernement s'attendait à réussir, au moyen d'une campagne de dénigrement, à dissiper toute tentative en vue de contester deux décisions très douteuses. Nous connaissons maintenant le résultat: le rapport Nixon qui a perdu toute crédibilité - même son auteur a sagement choisi de ne pas faire d'autres commentaires sur ce document embarrassant - et un projet de loi critiqué par tout le monde. La réaction du gouvernement à la tenue d'une enquête sénatoriale, même si le leader du gouvernement avait dit qu'on pouvait compter sur son entière collaboration, a été de tout faire pour empêcher que le comité ait accès aux témoins et documents clés, tout en privilégiant ses partisans au sein du comité. Il n'aurait pas pu agir ainsi si une enquête judiciaire avait été tenue, comme nous l'avons demandé à maintes reprises, et cela explique d'ailleurs pourquoi cette enquête judiciaire a été refusée au départ.
Malgré tout cela, le rapport du comité repose sur les faits objectifs dont ont témoigné toutes les parties, si l'on fait exception de M. Nixon, avec deux de ses acolytes, qui a fait des allégations sans fondement et lancé des insinuations d'origine anonyme, des accusations répétées de favoritisme, des accusations farfelues, mais je n'entends pas discuter ici des conclusions du rapport. Je voudrais plutôt attirer l'attention sur la brutalité avec laquelle le gouvernement a essayé de faire échec au comité - ce qui justifie en soi la tenue d'une enquête - car ce qui s'est passé l'été dernier pourrait fort bien se reproduire chaque fois que le gouvernement libéral a intérêt à cacher certains faits, afin de masquer ses vraies intentions et les conséquences de ses actes.
Enfin, j'ai quelques mots à dire sur le rôle de l'opposition, maintenant que le Sénat à majorité conservatrice est chose du passé, au grand soulagement du Parti libéral. Il n'a jamais appris à s'adapter au fait qu'il ne détenait pas la majorité dans l'une des deux Chambres, ou à plus forte raison dans les deux. Seul le temps dira si les Canadiens seront mieux servis avec un Parlement à majorité libérale, à un moment où, à toutes fins pratiques, l'opposition aux Communes a renoncé au rôle qui est normalement le sien dans notre régime parlementaire.
Je félicite tous les collègues de ce côté-ci pour leur conduite responsable au cours des deux dernières années, à un moment où il aurait été facile de rejeter certains projets de loi du gouvernement et où la population aurait sans doute largement appuyé cette façon de faire.
Comparez cela, honorables sénateurs, à l'approche adoptée par les Libéraux lorsqu'ils étaient dans la même situation, surtout à partir de 1988. Ils se sont opposés systématiquement à chaque projet de loi important présenté par les conservateurs et en ont même retourné quelques-uns plus d'une fois à la Chambre avec de nombreuses propositions d'amendement. Le débat sur la TPS ne fut que le point culminant d'une campagne persistante d'obstruction délibérée qui ne tenait absolument pas compte des décisions des représentants élus. Pire encore, lorsqu'ils ont formé le gouvernement, les libéraux n'ont jamais modifié les projets de loi en fonction des objections qu'ils avaient formulées eux-mêmes avec tant d'ardeur lorsqu'ils étaient dans l'opposition. La période de protection des brevets pharmaceutiques n'a pas été réduite. Le projet de loi portant mise en oeuvre de l'ALENA a été adopté sans changement et, bien entendu, la TPS est toujours là. Qu'est-il advenu des propositions d'amendement sincères présentées ici par les libéraux à l'automne de 1990? Je pense tout particulièrement à l'amendement proposé par l'actuel leader du gouvernement, qui aurait exempté de la TPS tout article de lecture.
Le dernier dénouement dans cette affaire, c'est que tout est de la faute des provinces. Écoutez ce que le ministre des Finances aurait déclaré le 12 mars, alors qu'il se plaignait de voir que les autres refusaient de discuter d'harmonisation avec lui:
En fait, je ne peux pas négocier tout seul. Je crois vraiment qu'il incombe aux gouvernements provinciaux d'admettre que les Canadiens veulent l'impôt unique.
Jusqu'à quel point ce gouvernement peut-il être arrogant? Il reproche maintenant aux provinces son incapacité à tenir une promesse attrayante, mais hautement irresponsable, c'est-à-dire l'abolition de la TPS, en disant qu'elles refusent l'harmonisation. Peu importe que les études des provinces, non démenties par le ministre des Finances, démontrent que cette harmonisation profiterait largement au gouvernement fédéral. Je suppose que c'est justement ce que M. Martin espère voir les provinces accepter. De toute évidence, il ne sait pas que le bon vieux temps, où le «grand frère libéral régnait en maître», est révolu depuis longtemps.
En tant qu'opposition majoritaire, nous n'avons jamais tenté de défaire une mesure législative du gouvernement, ce qui est tout le contraire de la stratégie adoptée par nos prédécesseurs lorsqu'ils étaient dans la même position. Toutefois, nous avons délibérément retardé l'adoption de deux projets de loi, le projet de loi C-22 et le projet de loi C-69, espérant que le gouvernement en profiterait pour les modifier conformément à nos objections, auxquelles il ne pouvait pas s'opposer sérieusement. Les motifs de nos objections n'ont pas besoin d'être répétés ici. Ils sont bien connus et ils restent aussi valables aujourd'hui qu'ils l'étaient la première fois qu'ils ont été mentionnés. J'espère seulement que les auteurs de ces projets de loi en ont pris note et qu'ils ne seront pas tentés de les rétablir simplement parce que les chiffres dans cette Chambre semblent maintenant en leur faveur.
Lorsque nous étions de l'autre côté, en tant que sénateurs du gouvernement - je digresse un peu, mais je pense qu'il est approprié de le mentionner - nous avons appuyé le principe de la pré-étude. Chaque fois que l'on a présenté une motion de pré-étude, l'opposition libérale a voté contre, maintenant que la participation à l'élaboration d'une mesure législative, avant qu'elle n'ait été envoyée par l'autre Chambre, minait l'indépendance du Sénat.
(1610)
Même si je respecte cet argument, je ne l'approuve pas, car une des principales fonctions du Sénat, sinon la principale, est de contribuer à améliorer les mesures législatives. Il me semble qu'un gouvernement, quel qu'il soit, a tout à perdre s'il n'accepte pas les suggestions faites le plus tôt possible, en particulier lorsqu'un projet de loi est complexe et controversé. Celui qui vient naturellement à l'esprit, c'est le projet de loi C-12 que l'on appelle habituellement le projet de loi sur l'assurance-chômage, que le gouvernement veut mettre en application dès le premier juillet si l'on en croit le discours du Trône. Les sénateurs qui ont des réserves au sujet du projet de loi C-12 tel qu'il est actuellement rédigé ne sont pas tous de notre côté, loin de là, et, considérant que la réforme de la législation sur la sécurité sociale qui a été lancée par le gouvernement Mulroney est essentielle, une étude préalable du Sénat pourrait conduire à des recommandations qui permettraient de concilier certaines différences entre de nombreuses parties directement touchées, ce que le projet de loi C-12 ne fait pas.
Honorables sénateurs, le débat sur les deux projets de loi dont j'ai parlé et sur d'autres projets de loi aurait dû être engagé à la Chambre des communes. Malheureusement, les partis d'opposition reconnus ne s'entendent que sur un point: chacun veut être l'opposition officielle. L'examen approfondi des mesures d'initiative gouvernementale passe généralement au second plan, et le temps où l'opposition officielle était considérée comme un gouvernement en attente est révolu. Nous avons maintenant un parti qui n'aspire même pas à gouverner, se contentant de trouver des moyens de torpiller la fédération, tandis que l'autre parti d'opposition semble prêt à constituer un Canada sans le Québec, seul scénario où il aurait une petite chance d'élire une majorité de députés à la Chambre.
Honorables sénateurs, je n'irai pas jusqu'à prétendre que l'opposition constituée par les progressistes-conservateurs au Sénat puisse combler le vide créé par le Bloc québécois et le Parti réformiste à la Chambre des communes. N'empêche que s'ils ne s'étaient pas substitués à l'occasion à leurs homologues, élus, les Canadiens auraient aujourd'hui sur les bras une mesure législative odieuse qui aurait créé de dangereux précédents. Quel que soit notre nombre, nous ne manquerons pas de jouer encore ce rôle chaque fois que les circonstances l'exigeront.
Des voix: Bravo!
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt mon honorable collègue, le chef de l'opposition. Même si bien souvent nous sommes d'accord, je suppose qu'aujourd'hui, nos deux discours vont donner à penser que nous ne sommes vraiment pas sur la même longueur d'onde.
Je tiens à dire, honorables collègues, que lorsque le Gouverneur général a lu le discours du Trône, je suis persuadée qu'il l'a fait avec une certaine fierté, puisqu'il retournait à ses racines au Sénat. Je pense que c'est une fierté partagée par tous ceux qui pensent encore à lui en tant que collègue. Je tiens tout d'abord à le féliciter, ainsi que Mme Fowler-LeBlanc, pour l'ouverture et la chaleur avec laquelle ils s'acquittent de leurs fonctions. Cela se reflète dans toutes leurs apparitions publiques, qu'il s'agisse d'exercer leurs fonctions officielles à l'occasion d'une cérémonie de remise de prix ou d'un événement sportif, de visiter une école ou un hôpital, de prononcer un discours dans une petite localité ou de participer à une cérémonie officielle comme celle entourant le discours du Trône.
Je tiens à féliciter les sénateurs Bacon et Rompkey, les parrains de la motion relative à l'Adresse en réponse au discours du Trône, pour leurs observations éloquentes et touchantes au sujet de notre pays et des défis auxquels nous sommes confrontés.
[Français]
Le sénateur Bacon nous a rappelé que si nous pouvons être fiers de nos accomplissements en temps que nation, et je cite:
Nous aurions tort de nous reposer sur nos lauriers, car rien n'est jamais gagné une fois pour toutes. Nous ne pouvons pas nous permettre de négliger notre pays.
Le sénateur Bacon a aussi fait écho au message contenu dans le discours du Trône, en disant que toute transformation doit s'effectuer dans le cadre des valeurs canadiennes. Elle a rapproché le présent du passé en termes convaincants.
Le Canada est né d'une période économique très difficile et il s'est même nourri de ces difficultés grâce à la volonté de ses citoyens. Le moment est venu pour les citoyens comme pour les dirigeants de redécouvrir leur histoire et d'aller puiser aux sources auxquelles nous devons la grandeur, la force, la valeur et les particularités des origines de notre pays.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je voudrais également dire que notre ami le sénateur Rompkey, qui n'est pas avec nous aujourd'hui, nous a invités dans ses observations, dans une métaphore maritime, à prendre un nouveau cap malgré les eaux difficiles que nous devons traverser, en nous rendant compte des défis que notre pays doit relever et de la force dont nous sommes capables pour les relever.
Il nous a rappelé également que le monde surveille le Canada. Il le surveille, parfois avec perplexité, au moment où nous examinons nos problèmes. Les gens de partout dans le monde recherchent notre leadership. Ils se demandent pourquoi nous avons des difficultés, alors que nous sommes si compétents et que nous possédons une si bonne réputation pour venir en aide aux belligérants, ailleurs dans le monde.
Bien sûr, nous accepterons les défis et nous les relèverons, comme nous l'avons toujours fait dans le passé. En ce sens, peut-être que nous voudrons tous réfléchir aux paroles de l'un de nos grands premiers ministres, sir Wilfrid Laurier. En 1904, à l'âge de 62 ans, il a déclaré à la première assemblée annuelle du Canadian Club d'Ottawa:
Je ne peux espérer assister à bien des progrès que l'avenir réserve à mon pays, mais lorsque mes yeux se fermeront à la lumière, je souhaite, ou plutôt j'espère, qu'ils se fermeront sur un Canada uni dans tous ses éléments, dans tous ses détails, chaque élément chérissant les traditions de son passé, et tous les éléments unis pour nourrir encore davantage d'espoir face à l'avenir.
Honorables sénateurs, s'il existe des valeurs typiquement canadiennes, ce sont notre tolérance envers les différences de cultures, de croyances religieuses et de modes de vie. Ce sont notre respect les uns envers les autres, notre générosité et notre souci du partage qui distinguent notre pays des autres et qui continueront de guider nos progrès en tant que nation.
Néanmoins, il ne fait aucun doute que le résultat du référendum au Québec a ébranlé le pays plus que jamais auparavant. Il nous a forcés non seulement à parler de ce que nous sommes en tant que pays, mais aussi à devenir activistes pour établir des plans créatifs afin de bâtir ensemble, pour l'avenir, un Canada fort, uni et indépendant. Ce ne sont pas seulement les Québécois qui veulent du changement - ce sont les Canadiens de partout dans le pays. Nous devons consacrer le temps qu'il reste dans le mandat actuel à assurer une sécurité économique et sociale durable au sein d'une fédération renouvelée. Une force considérable réside dans notre diversité et, au cours de notre histoire, nous avons réussi à ce que cette diversité nous favorise au lieu de nous nuire.
Honorables sénateurs, les fondements de notre histoire n'ont pas changé. Au Canada, nous voulons tous que nos gouvernements collaborent pour moderniser notre économie et notre filet de sécurité sociale, surtout pour qu'il soit durable. Nous voulons aussi veiller à ce que le filet de sécurité sociale tienne compte des valeurs de tous les Canadiens, d'un océan à l'autre, et, pour cela, il faut un gouvernement central fort qui voit aux intérêts de tous ses habitants.
Comme le premier ministre l'a déclaré à la Chambre des communes, au cours du débat sur le discours du Trône:
Les pères de la Confédération ont aussi prévu un gouvernement national unique, élu directement par les Canadiens, une instance qui intervient directement au nom de tous les Canadiens sur les grands enjeux de l'heure. Au XXIe siècle, ce gouvernement national sera tout aussi important qu'il l'a jamais été.
Il est clair que le gouvernement n'a toutefois pas à intervenir dans tous les domaines pour que les Canadiens reçoivent les meilleurs services dont ils ont besoin. Avec cela en tête, nous proposons de modifier le mode de fonctionnement des gouvernements, par exemple: en transférant des responsabilités à des organisations locales, régionales ou privées; en nous retirant de certains secteurs d'activité comme la formation de la main-d'oeuvre, les mines et les forêts; en établissant des partenariats fédéraux-provinciaux pour assurer une gestion conjointe de l'inspection des aliments, des logements sociaux ou même du tourisme.
Une conférence des premiers ministres aura lieu pour étudier l'élaboration de meilleurs moyens pour les deux paliers de gouvernement de collaborer afin de créer des emplois, de raffermir le filet de sécurité sociale et de discuter d'un programme de renouveau commun. Le sénateur d'en face peut dire qu'il est presque trop tard, mais je lui répondrai que nous parlons ici d'un ferme engagement à progresser ensemble au Canada.
Honorables sénateurs, toutes ces questions font partie d'un effort encore plus grand pour préserver l'unité canadienne. Nous avons l'intention de définir un meilleur mode de fonctionnement pour nos gouvernements respectifs.
Les honorables sénateurs savent également que nous avons pris d'autres mesures au cours de la présente législature, quand il s'est agi notamment de remplir les engagements pris au cours de la campagne référendaire. Le Sénat et la Chambre des communes se sont associés pour adopter une résolution parallèle reconnaissant, au nom du gouvernement et du Parlement, que le Québec constitue vraiment une société distincte au sein du Canada, et ces résolutions forment maintenant des principes directeurs pour les pouvoir exécutif et législatif du gouvernement.
Le Parlement a également adopté une mesure législative aux termes de laquelle le gouvernement ne peut proposer aucune modification constitutionnelle sans le consentement de toutes les régions du Canada. Le gouvernement du Canada l'a fait en mettant son droit de veto, qu'il exerce par le truchement de sa majorité au Parlement, à la disposition des cinq régions. En décembre dernier, on a décrit cette initiative comme un pont qui nous amènera au moins jusqu'en avril 1997, quand devra se tenir une conférence des premiers ministres pour examiner la formule de modification de notre Constitution.
Le gouvernement a également annoncé dans le discours du Trône que tout nouveau programme à frais partagés dans les domaines de compétence exclusive des provinces exigera l'accord d'une majorité des provinces pour voir le jour, et que les provinces préférant s'en dissocier seront indemnisées à condition d'adopter un programme équivalent.
Apporter des changements structurels au gouvernement ne constitue qu'une solution partielle au renouvellement de la fédération canadienne. Nous devons également être disposés à investir temps et énergie pour renouveler l'esprit d'unité. Le 27 octobre dernier, à Montréal, des dizaines de milliers de Canadiens de l'intérieur et de l'extérieur du Québec ont élevé leur voix et ouvert leur coeur au nom des collectivités de tout le pays. Le message ne laissait subsister aucun doute: Nous aimons notre pays, le Québec fait partie de notre pays, et nous voulons le voir durer et prospérer.
Honorables sénateurs, nous pouvons le faire en célébrant tout ce que nous avons en commun et en appréciant mieux les différences qui font du Canada un pays unique, et nous devons le faire avec conviction, avec détermination et avec un optimisme inextinguible.
Je dois dire que le chef de l'opposition a exposé aujourd'hui une vision pour le moins pessimiste des propositions de changement du gouvernement et du bilan du gouvernement jusqu'à présent. Il a qualifié la situation de «sombre», «désolante» et «inquiétante». Il a dit que nous étions en état de choc et que nous étions traumatisés. Eh bien, il était tout aussi pessimiste il y a deux ans en répliquant au discours du Trône.
Ce qu'il refuse constamment de reconnaître, c'est que nous avons accompli depuis de très réels progrès. Les sénateurs d'en face ont consacré une grande partie de leur temps, ces deux dernières années, à mettre en doute la validité de nos promesses électorales. Toutefois, honorables sénateurs, il demeure que nous avons tenu plus des trois quarts de ces promesses. Nous sommes allés de l'avant sur un certain nombre de questions critiques.
Notre première tâche a consisté à établir un sentiment de confiance en rétablissant l'intégrité de nos institutions politiques. C'est là qu'intervenait notre engagement à poursuivre une stratégie équilibrée de création d'emplois et de stimulation de la croissance tout en réduisant systématiquement le déficit. Nous nous en sommes tenus à ce plan. Comme je l'ai dit tout à l'heure à la période des questions, la création d'emplois demeurera la priorité de ce mandat et le sera encore très certainement pendant et après la prochaine campagne électorale, car il faut absolument réduire le taux de chômage.
Nous ne prétendons pas que la situation n'est pas extrêmement difficile au Canada, compte tenu du grand nombre de Canadiens qui sont sans travail. Toutefois, il faut reconnaître aussi que le taux de chômage a baissé de deux points ces deux dernières années. De grands progrès ont été accomplis au cours de cette période grâce à la poussée économique soudaine de 1994, et on a été créé au Canada plus de un demi-million d'emplois qui sont pour la plupart de bons emplois à temps plein. Il est vrai que la volatilité des marchés internationaux et l'incertitude politique au Canada ont ralenti l'économie au cours de la dernière année, mais des signes encourageants de croissance économique se dessinent maintenant. En effet, un nombre important d'emplois ont été créés ces trois derniers mois.
Honorables sénateurs, il n'est pas simplement question ici de statistiques ou de points de pourcentage, mais aussi de la vie des gens. Par conséquent, on ne peut pas ne pas tenir compte du fait que la révolution technologique envoie à tous les gouvernements le message que les bons vieux instruments économiques ne produiront peut-être plus les meilleurs résultats. Une autre combinaison d'initiatives sera peut-être nécessaire pour briser ce qu'on a qualifié de relance sans emploi et tous les gouvernements devront être prêts à secouer la poussière et à envisager un tel changement. Une chose est sûre: aucun gouvernement, aucun parti politique, aucun secteur, aucun chef ne peut à lui seul faire fonctionner le système au profit du Canada et des Canadiens. Nous en sommes à l'ère des partenariats, publics, privés, politiques, économiques, sociaux ou ponctuels, et le message du gouvernement et du ministre des Finances est et demeure que, pour redonner du travail aux Canadiens, créer des emplois, redonner confiance dans l'économie et assurer la stabilité des programmes sociaux, il faut redonner aux principes fondamentaux de notre économie de la force et de la prévisibilité.
(1630)
Depuis 1993, on a pris de nombreuses mesures pour atteindre cet objectif. Le taux annuel d'inflation a tombé à 1,3 p. 100, atteignant son plus bas niveau depuis des décennies, niveau même inférieur au taux enregistré dans la plupart des autres pays. Les taux d'intérêt, tels que définis par le taux d'escompte de 5,5 p. 100 établi par la Banque du Canada, ont recommencé à diminuer après avoir affiché une hausse pendant la campagne référendaire au Québec.
Honorables sénateurs, que cela vous plaise ou non, le déficit diminue progressivement. Il s'élevait à 42 milliards en 1993-1994. Au cours du prochain exercice financier, nous atteindrons notre objectif, qui consiste à ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB. M. Martin a promis que, d'ici 1997-1998, le déficit s'établirait à 17 milliards de dollars, soit à 2 p. 100 du PIB.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Lynch-Staunton: De quoi réjouir les chômeurs du Nouveau-Brunswick!
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, le chef de l'opposition veut que j'explique la situation aux chômeurs du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Lynch-Staunton: Cela les réjouira.
Le sénateur Fairbairn: Eh bien, mon honorable collègue devrait savoir que, selon l'avis même de son parti, si nous ne réduisons pas le déficit, il ne restera plus aucun espoir pour les chômeurs du Nouveau-Brunswick et du reste du pays.
Le sénateur Lynch-Staunton: Faites payer la note à ceux qui n'en ont pas les moyens. Oubliez les banques. N'augmentez pas les impôts des banques. Laissez les banques empocher 2 milliards de dollars et subtilisez 2 milliards aux chômeurs.
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, peut-être que nos collègues d'en face commencent à s'énerver parce que, pour la première fois depuis des années, le gouvernement atteint les objectifs réalistes qu'il s'était fixés.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Lynch-Staunton: La TPS n'a pas été remplacée; c'était pourtant un de vos objectifs.
Le sénateur Fairbairn: Il y a toute une différence entre 42 milliards de dollars en 1993 et 17 milliards de dollars dans quelques années. Le déficit se situera alors à son plus faible niveau par rapport au PIB depuis le milieu des années 70, et il diminuera de manière irrévocable jusqu'à ce que soit atteint l'objectif du budget équilibré, et c'est ça que nous essayons d'accomplir.
Honorables sénateurs, nous nous sommes présentés aux élections de 1993 avec un plan pour la réduction du déficit. Nous avons suivi notre plan. Nos objectifs ont non seulement été atteints, ils ont été dépassés. C'était là un engagement central que nous avons pris envers les Canadiens, et nous avons tenu parole.
Nous serons bientôt en position de réduire le montant de nos emprunts pour financer les dépenses publiques. Cela nous permettra de réduire notre vulnérabilité envers les marchés monétaires mondiaux et de faire des progrès dans le rétablissement de notre souveraineté économique, qui a été sans cesse réduite depuis dix ans. À très court terme, le Canada sera le pays du G-7 recourant le moins aux emprunts.
Honorables sénateurs, la diminution du déficit et de la dette ne sont pas simplement des fins en soi. Cette lutte constitue la base sur laquelle nous nous fonderons pour atteindre les objectifs fixés dans le discours du Trône et précisés dans le budget. Trois domaines ont été mis en évidence pour les importantes potentialités qu'ils recèlent sur les plans social et économique. Il s'agit du commerce international, de la technologie et de la jeunesse.
Je pense que les Canadiens ont été, de façon générale, impressionnés par les efforts d'Équipe Canada dirigés par le premier ministre, en collaboration avec la majorité des premiers ministres du pays. Dans les pays côtiers du Pacifique, en Chine, en Inde, en Amérique latine, des politiques et des gens d'affaires ont ouvert des portes aux Canadiens et leur ont fait des propositions commerciales. Cela s'est traduit par la signature d'ententes commerciales valant des milliards de dollars, qui ne font pas qu'accroître nos exportations, mais qui auront aussi pour effet de créer des milliers d'emplois au Canada.
Le gouvernement a l'intention de faire davantage pour aider nos entreprises à percer les marchés étrangers. La Société pour l'expansion des exportations recevra 50 millions de dollars pour soutenir des projets innovateurs en matière de financement des exportations. On estime que pas moins de 500 millions de dollars de prêts supplémentaires pourraient être consentis pour aider des exportateurs canadiens. La Banque fédérale de développement recevra également 50 millions de dollars pour lui permettre de consentir un montant supplémentaire de 350 millions de dollars de prêts à des sociétés à forte intensité de connaissances, exportatrices et en pleine croissance qui ont de la difficulté à emprunter auprès des banques commerciales.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est là le rôle du gouvernement.
Le sénateur Fairbairn: Les nouvelles technologies constitueront une autre priorité, alors que nous nous préparons au nouveau monde du XXIe siècle. Honorables sénateurs, ce monde sera différent de celui dans lequel bon nombre d'entre nous, voire la plupart, ont grandi et poursuivi leurs objectifs. Nous avons vécu dans une sécurité relative, parce que les changements dans nos vies survenaient à un rythme modéré et nous laissaient le temps de nous y adapter. Nous voilà maintenant à la fin des années 90, une décennie où la vitesse et la complexité des changements sont atterrantes, déconcertantes et même effrayantes pour certains, alors qu'elles sont novatrices, stimulantes et incroyablement excitantes pour d'autres.
Nul ne peut se soustraire aux nouvelles exigences qui pèsent sur les individus, aucun gouvernement ne peut échapper à la nécessité de trouver de toute urgence de nouvelles solutions et aucun pays ne peut résister à la nécessité d'offrir de nouveaux avantages concurrentiels pour protéger et améliorer le bien-être de tous les groupes de sa société.
Honorables sénateurs, nous n'avons pas à nous demander si nous devrions ou non entrer dans la danse. La véritable question qui se pose, c'est de savoir si nous pouvons ou non tenir le rythme.
Nous sommes vraiment au coeur d'une nouvelle révolution. Le Canada a un secteur de haute technologie d'envergure mondiale. Nous sommes les leaders dans le domaine des télécommunications et dans celui de l'aérospatiale et nous faisons des investissements énormes dans d'autres secteurs de haute technologie comme les transports, la médecine, la mise au point de logiciels, l'agriculture, l'exploitation minière et la foresterie. Au Canada, l'industrie des technologies de l'information et celle des télécommunications emploient 340 000 personnes d'un océan à l'autre et, en 1993, leurs recettes ont dépassé les 50 milliards de dollars. Nous pouvons concurrencer les meilleurs du monde entier.
Partenariat technologique Canada, le programme de 250 millions de dollars que le ministre de l'Industrie, John Manley, a expliqué, vise à aider les entreprises canadiennes à devenir plus novatrices et concurrentielles à l'échelle internationale et à encourager la R-D dans des projets de haute technologie au Canada. Un objectif clé consiste à offrir à nos entreprises les mêmes règles du jeu que celles dont bénéficient leurs concurrents étrangers épaulés par les programmes technologiques de leur pays. Ce programme vise à accroître les investissements du secteur privé, qui sont de deux à trois fois plus élevés que le financement gouvernemental de 250 millions de dollars par année.
Honorables sénateurs, ce ne sont pas là de nouvelles dépenses. Les fonds proviennent en totalité d'autres programmes du gouvernement. Les technologies aideront dans une large mesure les jeunes à faire un bon départ dans la vie professionnelle. Nous avons un programme d'achat d'ordinateurs pour les écoles qui a permis aux écoles et aux bibliothèques publiques de tout le Canada de recevoir 12 000 ordinateurs usagés et 20 000 logiciels. Trente autres millions de dollars, répartis sur trois ans, serviront à étendre le réseau informatique scolaire, Rescol, qui relie 16 000 écoles et 3 400 bibliothèques du Canada à l'autoroute de l'information. Pour les régions rurales, Rescol comporte également une composante qui vise à aider quelque 1 000 collectivités rurales à se préparer à accéder à l'autoroute de l'information. Cette initiative sera aussi élargie.
De plus, le gouvernement, en association avec le secteur privé, embauchera plus de 2 000 nouveaux diplômés qui s'y connaissent en informatique pour aider les petites entreprises à se servir de l'Internet afin d'élaborer, de perfectionner et de vendre leurs propres produits et services.
Honorables sénateurs, ces initiatives correspondent à notre volonté accrue d'aider les jeunes Canadiens à participer à notre vie économique. Notre engagement envers les jeunes Canadiens est crucial. Ils ont besoin de formation, ils ont besoin de contacts, ils ont besoin d'emplois. Le chômage chez les jeunes n'est pas un problème propre au Canada, mais un problème mondial. Ce n'est pas uniquement un problème personnel pour les jeunes, mais également un problème collectif, car collectivement, les jeunes doivent avoir la possibilité de faire leur marque sur le développement du Canada.
Au cours des deux dernières années, le gouvernement du Canada a aidé plus de 1,2 million de jeunes Canadiens à trouver des emplois, à acquérir de l'expérience pratique, à choisir des carrières, à ouvrir leurs propres entreprises et à poursuivre leurs études, et nous devons en faire encore davantage. Au cours des trois prochaines années, 350 millions de dollars seront réaffectés aux programmes d'emploi pour les jeunes. Nous doublerons notre contribution aux emplois d'été pour les jeunes, qui passera de 60 millions à 120 millions de dollars par année. Le reste de l'argent sera utilisé pour créer des possibilités d'emploi pour les jeunes Canadiens dans les secteurs en croissance de notre économie, comme les technologies de l'information et de l'environnement.
En plus de l'augmentation des prêts aux étudiants, le gouvernement prévoira 80 millions de dollars de plus pour hausser le crédit pour études, améliorer les régimes enregistrés d'épargne-études, élargir la déduction pour frais de garde d'enfant pour les étudiants et augmenter la limite relative au transfert des frais de scolarité et des dépenses liées aux études. Le gouvernement offre déjà une aide directe à ceux qui ont besoin d'acquérir de l'expérience pratique au moyen d'un programme d'apprentissage qui, on l'espère, leur permettra de trouver un emploi à plein temps. Nous avons aussi le Service jeunesse Canada, un programme qui vise à créer des possibilités d'emploi pour les jeunes dans leurs propres localités.
Certains de ces programmes sont spécialement conçus pour répondre aux besoins des jeunes à risque ou de ceux qui se heurtent à des obstacles additionnels comme l'abus de drogues ou la violence au foyer en les amenant à participer à des projets communautaires. Parmi ces jeunes, il y en a qui n'ont pas les capacités de lecture et d'écriture nécessaires pour relever les défis de la vie de tous les jours, encore moins ceux de la révolution technologique à laquelle nous leur demandons de se joindre.
Si je peux insister sur une question qui me tient beaucoup à coeur, celle de l'alphabétisation, il a été très intéressant de voir que l'OCDE a fait pour la première fois en décembre dernier une étude comparative de tous nos amis et partenaires au sein de cette organisation, étude dirigée, précisons-le, par Statistique Canada. Cette étude a montré plus clairement que jamais le lien qui existe entre l'alphabétisation et la capacité d'une personne de trouver un emploi, de garder un emploi et d'avoir des chances d'avancement. Honorables sénateurs, nous en apprendrons beaucoup plus sur les résultats de cette étude en ce qui concerne le Canada lorsqu'ils seront rendus publics au cours des mois qui viennent.
Honorables sénateurs, cela dit, nous avons d'autres engagements tout aussi pressants. Comme le disait le discours du Trône, la croissance économique n'est pas une fin en soi. Le gouvernement a le devoir, pour assurer le respect des valeurs fondamentales du Canada, de voir à la sécurité des Canadiens dans un monde en transformation rapide. L'héritage que nous léguerons aux générations futures doit inclure l'assurance que tous les Canadiennes et Canadiens, quel que soit l'endroit où ils habitent, auront un système de santé moderne et accessible; qu'ils pourront compter sur du secours en cas de besoin; qu'ils auront droit à un régime public de pensions, le temps de la vieillesse venu; et qu'ils seront en sécurité dans leur foyer et dans leur localité.
Cette déclaration d'intention a rapidement été suivie de mesures concrètes dans le dernier budget de M. Martin, à commencer par les enfants. La période des question a donné lieu aujourd'hui à un débat sur les pensions alimentaires. Cette question est justement au coeur des priorités du gouvernement à l'égard des enfants. Lorsqu'une famille se brise, les parents luttent sur les plans émotif et financier pour refaire leur vie chacun de son côté, mais ce sont inévitablement les enfants qui souffrent le plus de la rupture du mariage.
Les nouvelles mesures visant les pensions alimentaires visent à répondre en priorité aux besoins des enfants.
On élaborera de nouvelles lignes directrices pour aider les parents, les avocats et les juges à déterminer des pensions alimentaires pour enfants qui seront justes et cohérentes dans les cas de divorce. On accroîtra le rôle et les ressources des organismes chargés de s'assurer que les pensions sont versées en entier et à temps. Enfin, à la suite des recommandations du comité chargé d'étudier le droit de la famille et composé de représentants du gouvernement fédéral, des provinces et des territoires, les pensions alimentaires pour enfants ne seront plus imposables pour le parent qui les reçoit ni déductibles pour celui qui les verse. Chaque dollar supplémentaire que le gouvernement percevra en raison de cette modification fiscale sera réinvesti directement dans le système, pour le bien des enfants. Entre autres choses, le supplément au revenu gagné double, passant de 500 $ à 1 000 $, et quelque 700 000 familles de salariés à faible revenu, dont un tiers sont des familles monoparentales, bénéficieront de cette hausse.
L'autre aspect crucial de l'engagement du gouvernement à préserver le filet de sécurité sociale concerne le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ou TCSPS. C'est dans le cadre du TCSPS que l'assurance-maladie existe. Notre régime de soins de santé est l'un des avantages fondamentaux de notre pays. C'est lui qui, plus que tout autre, a contribué à définir la nature même de la société dans laquelle nous voulons vivre. Pour nous tous, c'est devenu un droit fondamental des citoyens canadiens et une réalisation dont nous sommes extrêmement fiers de ce côté-ci.
Comme le premier ministre l'a dit à maintes occasions, nous ne nous rendrons pas aux arguments de ceux qui insistent pour économiser au chapitre des soins de santé en offrant des traitements différents à ceux qui n'ont pas les moyens de payer. Le mois dernier le premier ministre Chrétien a dit que le gouvernement veillera à ce que le système de soins de santé soit le même pour tous les Canadiens, qu'ils soient riches ou pauvres. Nous maintiendrons d'importants paiements en espèces dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, pour que le gouvernement fédéral puisse continuer d'avoir son mot à dire à propos de l'assurance-maladie et qu'il puisse maintenir, pour chaque Canadien, le libre accès aux soins de santé partout au Canada. Pour notre gouvernement, il est absolument fondamental de faire respecter les cinq principes sur lesquels repose l'assurance-maladie. Nous travaillerons avec tous les Canadiens à assurer leur maintien et leur respect.
En outre, le gouvernement adoptera une loi prévoyant le financement pour le TCSPS sur une période de cinq ans ainsi que la première augmentation des transferts au titre de la santé, de l'enseignement postsecondaire et des services sociaux depuis le milieu des années 80. Calculés en fonction d'une formule liée à la croissance économique, les bénéfices issus du TCSPS passeront de 25,1 milliards de dollars en 1997-1998 à 27,4 milliards de dollars en 2002-2003, et le gouvernement garantira formellement que la part en espèces ne descendra jamais en dessous de 11 milliards de dollars pendant cette période de cinq ans.
Un autre élément important de notre filet de sécurité sociale est évidemment notre régime public de pensions. Nous avons pris l'engagement que notre régime de pensions serait maintenu pour nos enfants et les générations à venir. C'est pourquoi nous avons amorcé des discussions avec les provinces et, en dernier lieu, avec les Canadiens pour veiller à ce que le Régime de pensions du Canada soit sauvegardé.
Nous avons également l'intention de veiller à ce que les programmes de Sécurité de la vieillesse et de Supplément de revenu garanti soient aussi protégés pour les générations à venir, et nous le ferons en remplaçant ces deux programmes par une seule prestation aux aînés à partir de l'an 2001.
À la Chambre des communes, au mois de septembre dernier, le premier ministre s'est engagé à ne pas diminuer les pensions des personnes déjà à la retraite. Son engagement se reflète dans la nouvelle prestation. Toutes les personnes âgées de 60 ans ou plus le 31 décembre 1995 auront le choix entre adopter le nouveau système ou continuer de toucher leurs paiements de SV et de SRG comme maintenant. Elles pourront choisir la formule qu'elles considèrent comme la plus avantageuse pour elles. La vaste majorité des personnes, y compris 75 p. 100 de toutes les personnes âgées et 9 femmes vivant seules sur 10, qui en feront la demande dans l'avenir verront leur situation au moins maintenue, sinon améliorée. De plus, les prestations ne seront pas imposables et le nouveau système, y compris la prestation et le seuil, sera entièrement indexé sur l'inflation.
Le programme énoncé dans le discours du Trône et rapidement appliqué dans le budget est ambitieux. Il est nécessaire pour les effets directs qu'il aura tant sur la vie de chacun des Canadiens que sur l'unité nationale. Le Parlement a tout un défi à relever et, en tant qu'organe législatif, le Sénat jouera un rôle dans la mise en oeuvre de ce programme.
Mon vis-à-vis, le chef de l'opposition, est devenu, pendant un instant, il me semble, la proie du battage mené par les médias au sujet du fait que le Sénat est maintenant dominé par les libéraux. Tout le monde au Sénat sait que ce n'est pas le cas.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai dit un Parlement dominé par les libéraux.
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je crois que mon collègue disait aussi comment, avec les nombres qui changent, l'opposition pourrait maintenant jouir d'une plus grande liberté pour continuer de faire ce qu'elle estime à juste titre être sa responsabilité, soit s'opposer et faire de nouvelles propositions pour notre programme législatif. Il ne faut pas oublier que le Sénat est divisé de façon presque égale, ce qui donne à chaque sénateur une responsabilité particulière.
Au cours des deux dernières années, il y a eu beaucoup de discussions des deux côtés sur la façon dont notre système de comités pourrait être renforcé et assoupli afin de répondre plus efficacement aux préoccupations des Canadiens. En fait, les sénateurs ont apporté une contribution très spéciale dans divers domaines au cours des deux dernières années. Il y a eu l'étude spéciale sur l'euthanasie, le traitement des anciens combattants autochtones, l'avenir de l'agriculture au Canada, la réforme des institutions financières canadiennes, un certain nombre de questions dans les domaines de l'énergie et de l'environnement, nos défis constants dans le secteur du commerce international, et même une étude approfondie sur la question de l'aéroport Pearson.
Certains sénateurs ont fortement proposé que nous trouvions des façons de permettre aux sénateurs indépendants de jouer un rôle mieux défini au sein de nos comités. Il clair qu'on veut des changements dans cette chambre, et j'ai demandé au leader adjoint d'accorder la priorité à cette réforme par l'intermédiaire de notre comité des privilèges, du Règlement et de la procédure. J'appuierai certainement toute proposition qui permettrait d'accroître la capacité de tous les sénateurs de faire profiter le Parlement et les Canadiens de toutes les régions du pays de leur expérience, leur sagesse et leurs idées novatrices.
En dépit des choses qui ont été dites plus tôt, je tiens à remercier tous mes collègues pour l'esprit de collaboration et la courtoisie dont ils font preuve en général dans nos travaux. Nous avons bien nos moments de désaccord et de mécontentement, et j'y suis sujet tout autant que les autres, notamment le chef de l'opposition. J'espère néanmoins que nous saurons nous acquitter de nos responsabilités au cours de la session qui commence en faisant preuve du meilleur esprit de collaboration et de compromis possible et que nous examinerons consciencieusement les projets de loi dont nous serons saisis et y apporterons les améliorations nécessaires.
Je puis vous assurer, honorables sénateurs, que j'entends contribuer à entretenir un climat de travail positif et productif, car même si nous entendons constamment dire que le cynisme et l'apathie règnent, une opinion que je ne partage d'ailleurs pas, je crois que les Canadiens comptent toujours sur le leadership des hommes et des femmes publics et s'attendent à ce qu'ils les rassurent au sujet des questions importantes qui influent directement sur leur vie. Quelles que soient nos différences politiques, nous demeurons des collègues et ceux que nous servons ne doivent jamais douter que notre priorité est de travailler ensemble à la promotion de leurs intérêts et de ceux du pays dans lequel ils vivent. C'est là le défi qui se pose à nous, et je suis sûr que tous les sénateurs sont déterminés à le relever avec la vigueur et la bonne volonté que cela exige.
Des voix: Bravo!
(Sur la motion du sénateur Berntson, le débat est ajourné.)
Adoption de la motion tendant à terminer le débat sur l'adresse en réponse au discours du Trône le huitième jour de séance
L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement), propose, conformément à l'avis du mercredi 28 février 1996:Que les délibérations à l'ordre du jour pour la reprise du débat sur la motion tendant à l'adoption d'une Adresse en réponse au discours du Trône, prononcé par Son Excellence le Gouverneur général devant les deux Chambres du Parlement, se termine le huitième jour de séance où l'ordre aura été débattu.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
La Loi canadienne sur les droits de la personne
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat
L'honorable Noël A. Kinsella propose: Que le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne, soit lu une deuxième fois.- Honorables sénateurs, ce matin, la Commission canadienne des droits de la personne a publié son rapport annuel de 1995. Il y a dans ce rapport un ou deux passages qui me fournissent un point de départ pour mon explication du projet de loi S-2.
[Français]
À la page 15 de la version française de ce rapport de la Commission canadienne des droits de la personne, sous la rubrique «Les droits de la personne au ralenti», la commission dit, et je cite:
Il est assez déconcertant pour la commission d'avoir à reprocher une fois encore au gouvernement de ne pas avoir présenté un certain nombre de modifications importantes à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Fait particulièrement troublant, les modifications proposées sont considérées comme une affaire des plus délicates pour une raison essentiellement indigne. Qu'il y ait des limites à ce qu'il est possible d'accomplir, à tel ou tel moment, pour faire avancer la cause des droits de la personne au Canada, nous pouvons le comprendre. Mais nous sommes absolument convaincus qu'en donnant l'impression de reculer devant certains changements à cause des risques de controverse, le gouvernement transmet un message totalement contraire aux objectifs poursuivis.
[Traduction]
(1700)
Honorables sénateurs, à la page 15 de son rapport, la Commission des droits de la personne poursuit, disant ce qui suit:
Au contraire, nous pensons qu'il est plus crucial que jamais que le gouvernement fédéral soit clair quant à la façon dont il a l'intention de concilier la poursuite de l'égalité avec ses autres responsabilités. À notre avis, la projection d'une vision unificatrice du Canada où la diversité et l'égalité sont les deux faces d'une seule pièce dépend surtout d'une volonté égale d'intervenir en faveur de toutes les minorités. Si le gouvernement fédéral montre qu'il veut atermoyer les droits à la non-discrimination des homosexuels ou des personnes handicapées, par exemple, ou de n'importe laquelle de nos communautés ethno-culturelles, alors les droits à l'égalité d'autres groupes peuvent aussi être remis en question. La cohérence fait peut-être peur aux petits esprits, mais les droits de la personne de par nature sont indivisibles; la volonté d'acheter la paix aux dépens des moins puissants et de ceux qui ont le moins de voix au chapitre est une pente dangereuse pour nous tous.
La commission poursuit ainsi:
C'est un secret de polichinelle que la réticence du gouvernement à modifier la loi est due en grande partie à l'impression qu'ont certains critiques que l'ajout de l'orientation sexuelle au nombre des motifs de discrimination illicite serait considéré comme un traitement de faveur à l'endroit des homosexuels. Rien n'est plus loin de la vérité. C'est dans l'état actuel des choses que les homosexuels sont victimes d'un traitement particulier en étant exclus des protections garanties par la loi aux autres Canadiens, ce qui non seulement mine la crédibilité du Canada quand il se targue d'être un chef de file dans le respect des droits de la personne, mais constitue un manquement au sens moral. Cela équivaut presque à répudier en public les droits d'un grand nombre de contribuables canadiens respectueux de la loi.
Honorables sénateurs, je vous recommande la lecture de ce rapport publié aujourd'hui par la Commission des droits de la personne. Il regorge d'excellentes observations que les honorables sénateurs appueront sûrement.
La loi canadienne sur les droits de la personne est une loi antidiscriminatoire qui proscrit et interdit la discrimination à l'égard des individus dans des domaines tels que l'emploi et le logement pour des motifs qu'elle énumère. Ainsi, il est interdit de faire preuve de discrimination envers un individu en matière d'emploi dans un domaine qui relève du ressort fédéral pour des motifs fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience. Chacun des motifs de distinction illicites susmentionnés est explicitement énuméré dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, à l'exception de l'orientation sexuelle. Dans l'affaire Haig c. le Canada, la Cour d'appel de l'Ontario a interprété la Loi canadienne sur les droits de la personne comme interdisant ce dernier motif de distinction.
Honorables sénateurs, le but de ce projet de loi est d'inscrire dans la Loi canadienne sur les droits de la personne ce que les tribunaux ont déjà déclaré être la loi au Canada. En adoptant ce projet de loi, le Parlement s'acquittera de sa responsabilité qui est de s'assurer que les lois reflètent l'état actuel du droit et qu'elles s'appliquent à tous.
Honorables sénateurs, le projet de loi est identique au projet de loi S-15 adopté au Sénat en 1993, virgule pour virgule et mot pour mot. Ce projet de loi-là avait été envoyé à la Chambre des communes, mais il est mort au Feuilleton après la deuxième lecture, à cause de la prorogation du Parlement.
Permettez-moi de m'arrêter un moment sur le principe à la base de ce projet de loi. Ce faisant, j'attirerai votre attention sur le témoignage du sous-ministre de la Justice, du président de la Commission des droits de la personne et du directeur du Centre de recherche et d'enseignement sur les droits de la personne, situé ici, à l'Université d'Ottawa, qui ont tous témoigné devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, lorsque ce dernier a étudié le projet de loi S-15 au printemps de 1993.
La première question à poser est la suivante: est-ce que ce projet représente une modification valable de la Loi canadienne sur les droits de la personne? En réponse aux questions de notre collègue le sénateur Stanbury, Mme Mary Dawson, sous-ministre adjointe de la Justice a déclaré:
Nous considérons que les temps sont mûrs et qu'il s'agit là d'excellentes modifications. Elles reflètent d'ailleurs en grande partie, à notre avis, l'état actuel du droit compte tenu de la Charte, parce que l'orientation sexuelle est considérée comme étant un des non-dits de l'article 15. Nous estimons donc que les modifications apportées aux articles 2 et 3...
[ de la Loi canadienne sur les droits de la personne]
... sont excellentes.
Honorables sénateurs, on trouve cette citation à la page 42 du procès-verbal du 27 mai 1993 du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
La Commission des droits de la personne et l'Association du Barreau canadien étaient aussi d'avis que ce projet de loi proposait une modification valable de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
La deuxième question qui demande une réponse est la suivante: cette mesure législative est-elle nécessaire étant donné que les tribunaux ont déjà déterminé, dans la cause Haig c. le Canada, que l'orientation sexuelle était «sous-entendue» comme motif illicite de discrimination dans la Loi canadienne sur les droits de la personne? Dans sa réponse à cette question, la sous-ministre associée de la Justice disait:
En faisant figurer l'orientation sexuelle dans la loi, c'est plus clair. Je veux dire par là que tout le monde veut qu'il n'y ait pas de discrimination en fonction de l'orientation sexuelle. À partir du moment où il y a déjà une liste de huit ou dix motifs de discrimination dans la Loi sur les droits de la personne et où l'orientation sexuelle est un motif de discrimination important, pourquoi ne pas la faire figurer? Je crois qu'il ressort clairement de la jurisprudence que ce type de discrimination est pris en compte de toute façon, mais c'est plus sûr de cette façon et on donne ainsi plus de relief à cette question.
Sur ce point, le professeur William Black, qui était alors directeur du Centre des droits de la personne à l'Université d'Ottawa, disait dans une lettre au comité datée du 28 mai 1993:
Si la loi n'est pas modifiée, je pense que l'on risque que les tribunaux interprètent la Loi canadienne sur les droits de la personne de façon étroite, lorsqu'ils ont à étudier des plaintes fondées sur l'orientation sexuelle. Par exemple, les moyens statutaires de défense ou autres motifs semblables, comme la situation de famille, peuvent être interprétés d'une façon qui accordent moins de protection à un plaignant, en l'absence de modification. De plus, si la loi ne couvre pas explicitement la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, on nuit à la sensibilisation et à l'éducation du public.
Honorables sénateurs, une troisième question découle de la question précédente, mais vise la responsabilité du Parlement du Canada, qui se doit de rendre la loi aussi claire que possible. Je m'en remets de nouveau à la sagesse de notre collègue, le sénateur Stanbury, qui disait:
Il me semble qu'une des fonctions du législateur est de rendre la loi aussi claire et aussi évidente que possible. Une personne ne devrait pas, après avoir lu la loi, être contrainte de demander à une série de tribunaux de l'interpréter. Une fois qu'un jugement a été rendu, particulièrement dans un cas comme celui où on a donné des directives ou du moins des suggestions sur ce qui devrait être fait, alors il est certainement la responsabilité du législateur de rendre la loi parfaitement claire et de permettre aux gens de comprendre ce qu'elle dit.
Lorsqu'il est intervenu devant le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le 27 mai 1993, le sénateur Beaudoin a signalé, à juste titre, que:
La Cour suprême du Canada a jugé dans au moins trois cas que ce sont non seulement les tribunaux qui s'inquiètent des droits de la personne, mais également le Parlement du Canada. Ainsi, pourquoi n'exprimons-nous pas expressément et très clairement ce que les tribunaux ont déjà établi dans leurs interprétations?
Honorables sénateurs, le Sénat devrait être la Chambre où ce projet de loi est présenté, et, étant donné le mal que certains députés à l'autre endroit ont à répondre à cette question, le Sénat pourrait peut-être, dans ces circonstances spéciales, répondre aux besoins de protection d'une minorité de Canadiens, ce qui risque d'être plus difficile pour la Chambre. En effet, nous pouvons peut-être comprendre les difficultés auxquelles seraient confrontés les membres de l'autre endroit s'ils prônaient ces modifications.
Il convient de noter que la plupart des lois provinciales et territoriales sur les droits de la personne au Canada reconnaissent déjà le principe fondamental à la base de ce projet de loi. Dans la majorité des provinces et territoires, l'orientation sexuelle fait partie de la liste des motifs de distinction illicite depuis des années. C'est au milieu des années 70 que le Québec a apporté la première modification à sa loi sur les droits de la personne pour inclure cela dans les motifs de distinction illicite. Il est certes grand temps que la législation fédérale contre la discrimination rattrape celle des provinces et des territoires.
Je tiens à signaler que l'inclusion ou non de l'orientation sexuelle dans cette liste n'est pas liée à un manque de compréhension de la notion ni à un manque de clarté de la définition. Selon les fonctionnaires du ministère de la Justice, l'expression "orientation sexuelle" est la plus courante et ne leur pose aucun problème. Dans toutes les provinces et tous les territoires où les lois sur les droits de la personne renferment cette expression, il n'y a aucun problème d'interprétation.
Il s'agit strictement d'interdire toute discrimination et non d'accorder un privilège spécial. Ce projet de loi s'attaque de façon formelle et directe à la discrimination, et toutes les modifications contenues dans ce projet de loi visent la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cela ne touche en rien la situation de famille des intéressés ou la situation du conjoint, qui sont visées par d'autres lois ou politiques.
D'autres honorables sénateurs et moi-même sommes étonnés lorsque nous entendons ceux qui s'opposent à cette modification de la loi fédérale sur les droits de la personne soutenir que c'est une chose terrible à faire, car cela nuira à l'institution du mariage. Nous savons tous que le mariage relève de la compétence des provinces et que le Parlement du Canada n'y a aucun droit de regard.
Des rapports successifs, dont le rapport publié ce matin par la Commission canadienne des droits de la personne, ont recommandé l'adoption de cette modification. Des comités parlementaires, composés de membres de tous les partis, y compris le rapport «Égalité pour tous», et une succession de ministres de la Justice, dont l'actuel ministre de la Justice, ont souscrit au principe de cette modification. Il y a toutes sortes de raisons pour lesquelles les gouvernements qui se sont succédé n'ont pas pu faire adopter cette modification. À mon avis, le Sénat est maintenant bien placé pour dénouer l'impasse, au début de cette session parlementaire, et pour donner encore une fois son approbation unanime à cette mesure et la renvoyer à la Chambre des communes dans les plus brefs délais. En raison du leadership du Sénat, il est fort possible que les députés de l'autre endroit veuillent tenir un vote libre sur cette mesure, bien que le ministre de la Justice et beaucoup de nos collègues d'en face appuient cette politique.
L'honorable Ron Ghitter: Mon honorable collègue voudrait-il répondre à une question?
Le sénateur Kinsella: Mais bien sûr.
Le sénateur Ghitter: Les vues de l'honorable sénateur concernant la mesure législative ont-elles changé depuis le jugement que la Cour d'appel de l'Alberta a rendu il y environ trois semaines, jugement selon lequel les tribunaux ne devraient pas agir contre la volonté des assemblées législatives et, étant donné que les assemblées législatives n'ont pas adopté cette mesure législative, ils ne devraient pas faire figurer l'orientation sexuelle dans la charte? Ne serait-il pas encore plus urgent de proposer cette mesure législative maintenant que la Cour d'appel de l'Alberta a rendu ce jugement?
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, l'analyse qu'a faite l'honorable sénateur Ghitter est juste, même si la décision rendue en Alberta avait trait à sa loi sur la protection des droits individuels, une loi provinciale, tandis que la Cour d'appel de l'Ontario s'est penchée sur la Loi canadienne des droits de la personne.
Nous sommes en présence de la décision d'un tribunal supérieur, qui laisse entendre qu'on peut toujours faire comme si cette expression était déjà incluse dans la loi, que ce soit celle-ci ou une autre. Reste que l'affaire de l'Alberta complique davantage la situation, d'où l'urgence encore plus grande pour le Parlement de préciser davantage ce qui est visé par la Loi canadienne sur les droits de la personne.
(Sur la motion du sénateur Milne, le débat est ajourné.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat
L'honorable Anne C. Cools propose: Que le projet de loi S-3, Loi modifiant le Code criminel (accord sur le chef d'accusation), soit lu une deuxième fois.- Honorables sénateurs, j'interviens à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-3 modifiant les dispositions du Code criminel sur la négociation de plaidoyers pour demander au Sénat de prendre une mesure définitive afin d'exciser une tumeur juridique et politique qui s'est développée au Canada. Le projet de loi S-3, que je parraine, est nécessaire, parce que les Canadiens sont scandalisés par la dépravation et la brutalité qui ont marqué le meurtre à caractère sexuel de trois adolescentes par Karla Homolka et son mari, Paul Bernardo, parce que la peine d'emprisonnement de Homolka n'a rien à voir avec ses crimes et, finalement, parce que sa peine, son procès secret et ses accords secrets sur le chef d'accusation avec les procureurs de la Couronne ont laissé planer des doutes d'ordre moral et politique dans l'esprit des Canadiens. Plus important encore, ces doutes et ces incertitudes ont abouti à une crise de confiance envers l'administration de la justice criminelle au Canada. La mesure proposée par le Sénat rétablira la certitude et la confiance des Canadiens. Le projet de loi S-3 a pour objet de briser l'accord sur le chef d'accusation et d'imposer une peine qui correspond davantage aux crimes de Homolka.
Aux fins de l'accord sur le chef d'accusation de cette dernière, les procureurs de la Couronne ont utilisé à tort leur pouvoir discrétionnaire et l'ont fondé sur des motifs peu solides. En termes simples, disons que les avocats de la poursuite ont décidé de ménager Homolka et de l'utiliser contre Bernardo, pour les raisons que j'énonce ci-dessous.
Un accord sur le chef d'accusation n'est pas un contrat ordinaire. Ce n'est pas un contrat légal, dont la violation pourrait entraîner des poursuites au civil pour dommages. Nul ne saurait affirmer catégoriquement que cet accord sur le chef d'accusation est un contrat. La force qui sous-tend cet accord n'est pas le droit contractuel, mais bien l'honneur de la Couronne. Aucun juge n'est tenu par un tel contrat. La question dont le Parlement est saisi consiste à déterminer si un tel accord, et la protection et les avantages qu'il accorde à Homolka, a une valeur légale et si un tel accord devrait continuer à avoir force de loi, à bénéficier d'un appui et à entacher l'honneur de la Couronne.
Le processus de marchandage de plaidoyers est nouveau dans l'administration de la justice pénale au Canada. Ces ententes sont laissées à la discrétion du procureur de la Couronne, et leur mise au point ne suit en général aucune procédure officielle. Il faut jeter un peu de lumière sur ce processus informel. Le Parlement devrait faire enquête.
Les négociations de plaidoyers présentent un risque de collision entre l'indépendance des juges et le pouvoir discrétionnaire de la poursuite, et le risque d'une énorme collision entre le Parlement et les tribunaux. L'étude du projet de loi S-3 permettra d'informer le Parlement sur l'état de ce processus, sur son fonctionnement et sur ses résultats, et même sur la proportion de ces ententes qui avortent ou qui ratent.
L'entente dans l'affaire Homolka constitue une terrible bêtise. Cette entente et ses conséquences sont déraisonnables et intolérables, et doivent être modifiées par une loi. Je propose, honorables sénateurs, que nous, au Sénat, corrigions cette terrible bêtise publique qui a été imposée aux Canadiens, que nous corrigions cette erreur judiciaire évidente et publique. Nous devons adopter cette mesure pour parer à cette menace et réparer cette injure faite aux familles de ces jeunes filles, à la population et à l'État canadien.
Honorables sénateurs, il y a eu deux ententes conclues avec Homolka, la première en mai 1993, et la deuxième en mai 1995. Deux ans d'écart. La première a été négociée et acceptée par Murray Segal, directeur du service du droit pénal de la Couronne, au nom du procureur général de l'Ontario, l'honorable Marion Boyd. Elle a été présentée en justice et approuvée par le juge Francis Kovacs de la Cour de justice de l'Ontario (Division générale) le 6 juillet 1993, au cours du rapide, très rapide procès d'Homolka. Le procès n'a duré que quelques minutes. L'entente favorisait largement Homolka, et le juge Kovacs l'a rigoureusement respectée. L'exposé commun des procureurs de la Couronne et de la défense et les motifs du juge Kovacs dans le prononcé de la sentence font ressortir crûment l'horreur de cette affaire et du comportement du procureur général de l'Ontario.
Le jugement et la décision du juge Kovacs se sont conformés aux intentions visées par l'entente conclue par la poursuite, et au pardon accordé à Homolka. Le juge Kovacs est un juge d'expérience de la cour ontarienne, et ses jugements laissent songeur. Sa décision a eu pour effet d'exonérer en grande partie Homolka et de lui faire échapper à la punition. Les mesures prises par la justice l'ont mise à l'abri et l'ont soustraite au châtiment que méritaient ses crimes.
Le juge Kovacs a cédé à la discrétion de la poursuite, qui a fait valoir le syndrome de la femme battue pour atténuer la culpabilité d'Homolka. Les honorables sénateurs doivent saisir l'insolite de la situation, car ce syndrome est souvent invoqué par la défense, jamais par la poursuite. Tout à fait insolite.
Le Parlement doit faire respecter deux principes fondamentaux dans la détermination de la peine. Le premier est la dissuasion pour le prévenu lui-même : la longueur de la peine doit l'empêcher de récidiver. Le deuxième est la protection de la société. La peine doit être assez longue pour protéger la société du danger que présente l'accusé. De plus, la durée de la sentence doit refléter l'horreur que le crime inspire à la société.
Lorsqu'il a prononcé sa sentence contre Homolka, le juge Kovacs a reconnu ce principe. Il a dit:
Je suis très conscient que la communauté doit être convaincue que la peine est fonction de la nécessité d'assurer la protection et la sécurité de la population. [...] Je comprends le sentiment d'intense indignation que ressent, et à juste titre, la communauté.
Cela date de 1993.
Immédiatement après avoir rappelé ces principes, le juge Kovacs les a rejetés, pour tenir compte de certaines autres considérations, déclarant:
Le tribunal a le devoir de se montrer objectif et d'examiner les circonstances très spéciales entourant cette affaire et l'accusé. On parle ici de crimes très graves non encore élucidés [...] On ne doit pas commettre d'erreurs si l'on veut parvenir à faire condamner l'accusé...
De toute évidence, Homolka n'était pas considérée comme un contrevenant. Les poursuites intentées contre Paul Bernardo, l'accusé, représentaient aux yeux du juge Kovacs un facteur atténuant.
Honorables sénateurs, le rôle d'un juge consiste à juger l'accusé et à appliquer les principes de la détermination de la peine en fonction des accusations portées. Il doit avant tout tenir compte de l'affaire présentée devant le tribunal et non d'autres circonstances. De plus, l'indépendance du corps judiciaire a été remise en question, lorsque le juge Kovacs a, par respect pour la poursuite, subordonné son pouvoir judiciaire discrétionnaire à celui de la poursuite. Il s'en est remis à la poursuite. Ce manquement à son obligation judiciaire est très bien documentée dans les conclusions que le procureur de la Couronne, M. Murray Segal, a présentées au cours du procès de Karla Homolka, lorsqu'il a déclaré:
[...] la Couronne est convaincue que les motifs et la participation de Karla Homolka justifiaient des accusations de meurtre, [...] mais a décidé d'exercer son pouvoir discrétionnaire de poursuivre, ce qui explique les accusations d'homicide involontaire coupable qui ont été portées...
Honorables sénateurs, il n'y a pas eu un, mais deux marchés Homolka. Lorsque le juge Kovacks a rendu sa décision dans le procès Homolka, il y en avait un. Au cours du procès de Paul Bernardo, la véritable implication et la culpabilité de Homolka ont été révélées et le rôle qu'elle a vraiment joué dans la perpétration de ces terribles infractions a été évident aux yeux de tous les Canadiens.
Les Canadiens doivent savoir comment l'honorable Marion Boyd est personnellement intervenue dans cette affaire. Mme Homolka a été exceptionnellement bien traitée par le bureau du procureur général, ce qui est étrange et troublant. Le premier marché, conclu en 1993, accordait à Homolka l'immunité contre certaines poursuites, fixait une peine empreinte de clémence et oubliait sa culpabilité dans certaines infractions, comme le meurtre de sa propre soeur, Tammy. Bien que Mme Homolka n'ait jamais été accusée de ce meurtre, une procédure inhabituelle a été adoptée ce jour-là au tribunal. Les audiences témoignent de sa culpabilité, empêchant ainsi que des accusations soient jamais portées. Toutes les preuves de sa culpabilité dans la mort de sa soeur ont été consignées au dossier.
Le second marché, intervenu deux ans plus tard, soit en mai 1995, accordait une immunité additionnelle à l'égard d'autres crimes et oubliait d'autres infractions non révélées dans le premier marchandage de plaidoyers.
Ce qui est troublant, c'est que l'avocat de Bernardo, Ken Murray, ait acquis et gardé secrètement certaines cassettes vidéo qui constituaient des preuves convaincantes pour la poursuite et ne les ait pas remises à la police. Nous aurons l'occasion, au cours de l'étude de ce projet de loi, de contre-interroger M. Murray. Ses activités ne constituent pas une question interne réservée exclusivement aux juristes et à l'Ordre des avocats. Elles concernent le Parlement. Le Parlement a l'obligation de fixer une peine pour punir de manière appropriée de tels actes commis par un auxiliaire de la justice.
Dans l'édition du 10 octobre 1995 du Toronto Sun, à propos de la note du procureur de la Couronne, Jim Treleaven, datée du 26 mai 1995, Christie Blatchford a écrit ceci:
«Si Murray avait remis les bandes à la police, comme c'était son devoir de le faire en tant qu'avocat», écrit Treleaven, il est probable que les pourparlers avec Walker, relativement à un accord sur les chefs d'accusation, «auraient cessé»...
Les déclarations du procureur Treleaven sont démenties par le fait que le procureur de la Couronne a conclu le second accord en mai 1995, à peine quatre jours avant que ne comparaisse Karla Homolka, à titre de témoin de la Couronne, dans le cadre du procès Bernardo. Drôle de coïncidence, cela s'est également produit juste avant les élections provinciales. Tout le monde a oublié cela. La Couronne a conclu ce deuxième accord pour protéger Homolka contre des poursuites qui auraient pu découler d'autres actes criminels non dévoilés et perpétrés contre la dénommée Unetelle. Ce deuxième accord est encore plus suspect. Dans l'édition du Toronto Sun du 10 octobre 1995, Christie Blatchford nous explique pourquoi en ces termes:
Quatre des avocats qui occupent les plus hauts niveaux en Ontario ont convenu à l'unanimité qu'il y avait «des fondements juridiques» pour accuser Karla Homolka d'agression sexuelle grave, dans l'attaque «extrêmement cruelle» perpétrée contre une jeune femme que l'on ne peut identifier que comme étant la dénommée Unetelle...
Blatchford poursuit en disant:
... en dépit de l'existence de preuves permettant d'accuser la femme de 25 ans, qui purge maintenant une peine de 12 ans par suite de son marchandage de plaidoyers initial, les hauts fonctionnaires ont conseillé à la police de ne pas se donner la peine... quand l'un d'entre eux, le chef de la police régionale de Niagara, Grant Waddell, a déclaré qu'il était prêt à porter des accusations, quel que soit le conseil venant des personnages hauts placés,... on lui a dit que le gouvernement surseoirait aux accusations - en fait, il refuserait d'intenter des poursuites.
Mme Blatchford a également révélé que, dans la note de Treleaven adressée à l'inspecteur Vince Bevan et au sergent-détective Tony Warr, Treleaven a précisé:
... qu'il écrivait au nom du sous-procureur général adjoint, Michael Code, et des deux procureurs régionaux de la Couronne, Leo McGuigan et Jerry White, et qu'il pouvait compter sur l'aide de Murray Segal,... et de George Walker, l'avocat de Homolka.
Le document secret jette un peu de lumière sur ce que les représentants du gouvernement pensaient de Homolka, montre que son avocat et elle jouaient toujours dur en mai dernier etfournit la première preuve solide que la décision relative à la dénommée Unetelle résulte d'une myriade de préoccupations - certaines politiques, d'autres pratiques, mais la plupart ayant peu à voir ni avec la loi ni avec la solidité des preuves contre Homolka.
Mme Blatchford est d'avis que la deuxième entente constituait une autre erreur judiciaire visant à sanctifier et à justifier la première, protégeant ainsi la position politique des personnes en cause.
Le procès d'Homolka devant le juge Kovacs est plein de circonstances extraordinaires et de déclarations qui révèlent le traitement spécial accordé à Karla Homolka. Le procureur de la Couronne, Murray Segal, dans son exposé sur la détermination de la peine, a énoncé la position de la Couronne.
L'évaluation de la Couronne, fondée sur un examen des témoignages psychiatriques, est que, sans l'influence d'une personne dont le comportement porte les caractéristiques de ce qui pourrait vraiment être une des personnes les plus craintes de la province et du pays, il est peu probable qu'elle récidive.
Dans son exposé, l'avocat de Karla Homolka, M. George Walker, se fait l'écho de Segal et dit:
Elle sera maintenant envoyée dans un pénitencier. Elle aura évidemment des difficultés. Douze ans est une période quand même considérable étant donné qu'elle n'a que 23 ans. Elle n'a certainement rien appris dans les rues ni dans les établissements pénitentiaires.
Une caractéristique de cette affaire est l'intelligence dont ces gens ont fait preuve pour éviter de se faire prendre. Pourtant, ici, nous sommes dans un tribunal de justice où des gens nous disent qu'elle n'a pas ce genre d'intelligence.
Le juge Kovacs, dans ses motifs sur la détermination de la peine, explique sa façon de penser. Il a été très prudent dans ce qu'il a dit. Si vous lisez le jugement, vous verrez que chaque mot a été soigneusement pesé. Il dit:
J'ai lu attentivement les rapports des spécialistes suivants:
(a) Dr A.I. Malcolm, psychiatre, en date de 28 mai 1993;
(b) Dr H.J. Arndt, psychiatre, en date du 30 mai 1993;
(c) Dr. J.A. Long, psychologue clinicien, en date du 3 juin 1993, concernant l'accusée.
Le juge Kovacs cite des extraits de ces rapports:
Le docteur Malcolm dit ceci à la page 7: «J'estime que Karla Homolka n'est pas une personne dangereuse.» Et à la page 4, il dit: «Je n'ai pas de doute que Karla est une personne passive, non violente...»
Et:
Le docteur Arndt dit également dans son rapport qu'elle n'est pas un danger pour la société: «Je ne la vois pas maintenant ni jamais plus comme un danger pour la société...»
Et encore:
Le docteur Long, après avoir fait subir de nombreux tests psychologiques à l'accusée, dit à la page 10 de son rapport: «Elle n'est pas un danger pour elle-même ni pour personne d'autre...»
Vous devriez lire la transcription. C'est exceptionnel.
Le juge Kovacs s'est fié à l'opinion unanime de ces trois médecins, qui estimaient que Karla Homolka n'était pas une personne dangereuse. Pourtant, dans ses commentaires sur les facteurs aggravants, il a admis la conduite de l'accusée en déclarant ceci:
Ce n'était pas un comportement isolé. Les actes ayant conduit à l'enlèvement de Kristen French ont été froidement planifiés et calculés, avec l'entière participation de l'accusée [...] Les faits ayant conduit à la mort de sa propre soeur démontraient de la planification de sa part. L'accusée avait obtenu l'anesthésique qui a servi à garder la victime inconsciente [...]
Il a également déclaré:
Les efforts déployés pour camoufler les circonstances entourant la mort de Tammy Homolka ainsi que les tentatives méticuleuses et planifiées faites pour effacer toute preuve des décès de Leslie Mahaffy et de Kristen French [...] Cela renvoie au processus de pensée maléfique conscient de l'accusée.
Évidemment, nous devons nous demander pourquoi trois filles sont mortes si Homolka n'était pas dangereuse.
En dépit des crimes horribles sur lesquels devait se pencher le juge Kovacs, il s'en est remis au pouvoir discrétionnaire de poursuivre. En termes simples, cela signifie que les procureurs de la Couronne ont accordé leur préférence à Homolka plutôt qu'à Bernardo parce qu'elle était une femme, ce qui semblait acceptable à l'époque, soit en mai 1993.
Le juge Kovacs a refusé de recourir à ses pouvoirs pour retarder l'admissibilité d'Homolka à une libération conditionnelle en déclarant ceci:
Je n'émets aucune ordonnance en vertu de l'article 741.2 du Code criminel pour prolonger la période d'inadmissibilité à une libération conditionnelle parce que la durée de la sentence est le facteur le plus important du plaidoyer des procureurs de la Couronne et je suis d'accord avec eux. [...] Je ne veux pas nuire au traitement de l'accusée en imposant une période d'inadmissibilité à une libération conditionnelle.
La position adoptée par la poursuite pour soustraire Homolka à sa responsabilité et à sa sentence dans ces crimes haineux contre les femmes et pour la présenter comme une victime du « syndrome de la femme battue » était diabolique. Lors du procès Bernardo, en 1995, le juge Patrick Lesage, contrairement au juge Kovacs, en 1993, n'a pas accepté de telles interprétations.
Honorables sénateurs, le Sénat devrait savoir pourquoi la Couronne a invoqué le syndrome de la femme battue dans ce cas infâme de meurtre multiple on ne peut plus évident. On a du mal à comprendre que le bureau du procureur général de l'Ontario et ses procureurs soient mêlés à cette supercherie. La supercherie de Homolka est un exemple frappant d'une agression criminelle commise par une femme qui savait manier d'une main de maître l'astuce et la tromperie.
Honorables sénateurs, des procureurs et des auxiliaires de la justice pénale ayant beaucoup d'expérience savent que la supercherie et la manipulation dont certaines criminelles font preuve à l'égard du système pénal sont monnaie courante, ce qui n'est pas une surprise pour ceux d'entre nous qui oeuvrent dans le système. Je vais citer brièvement deux cas.
Le premier concerne l'affaire Charles Manson. Linda Kasabian, une ancienne amie de coeur de Charles Mason, celui qui a eu l'idée d'assassiner Sharon Tate et les autres, n'a pas eu à subir de procès parce qu'elle a consenti à témoigner contre Manson et les autres accusés. Elle a donc bénéficié de l'immunité à l'égard des poursuites.
Le deuxième cas a trait à la tristement célèbre et horrible affaire des meurtres survenus dans les Moors, en Angleterre. Myra Hindley et son petit ami ont violé et assassiné cinq enfants. Avant de tuer une petite fille de 10 ans, ils ont fait des photos pornographiques avec cette pauvre enfant et ont enregistré sur cassette ses cris les implorant de l'épargner. Dans son ouvrage, Deadlier Than the Male, Alix Kirsta, un brillant auteur que je vous recommande, a décrit Myra Hindley sous les traits d'un «grand démon» en disant que:
... elle demeure [...] un rappel salutaire de la féminité corrompue...
Les journalistes Christie Blatchford, du Toronto Sun, et Patricia Pearson, du Globe and Mail, ont exposé les duperies réussies de Homolka. Elles ont cherché à éclaircir le genre d'agression et de tromperie propre au type de délinquante qu'est Homolka. Voici ce que Mme Pearson écrivait en août 1993 dans un article intitulé «How Women Can Get Away With Murder»:
Selon des études effectuées en Angleterre et aux États-Unis, les femmes qui commettent des crimes violents reçoivent des sentences plus légères que leurs homologues masculins.
Et:
Les femmes qui tuent en compagnie d'un complice masculin passent souvent pour des «filles bien» qui ont été forcées de commettre leur crime. Voilà pourquoi elles s'en tirent avec une sentence plus légère.
Elle cite Candice Skrapec, une autorité sur la question des meurtres en série, qui a dit ceci:
Je crois [...] qu'on ne solutionne pas de nombreux cas d'homicide [...] parce qu'on suppose, à tort, que l'auteur est un homme.
Patricia Pearson avait vu juste à propos de Karla Homolka quand, en août 1993, elle a dit ceci:
La question a été mise en évidence une fois de plus avec l'inculpation de Karla Homolka pour homicide involontaire relativement aux meurtres de deux adolescentes ontariennes [...] Il reste à déterminer si Mme Homolka fait partie de ces «bonnes filles».
Honorables sénateurs, notre comité doit entendre Mmes Blatchford et Pearson.
Honorables sénateurs, les deux accords concernant Karla Homolka, les allégations d'interférence du procureur général dans le travail des policiers, les activités des procureurs de la Couronne et la complaisance du juge Kovacs, la combinaison d'erreurs, les oublis, les tromperies et l'impression d'abandon de la population sont des raisons suffisantes pour justifier la prise de mesures par le Parlement.
De toute évidence, la Couronne, l'avocat et le pouvoir judiciaire ont échoué. Je demande aux honorables sénateurs d'appuyer cette mesure et d'adopter le projet de loi S-3.
(Sur la motion du sénateur Graham, au nom du sénateur Wood, le débat est ajourné.)
(1740)
Projet de loi sur les restrictions relatives aux produits du tabac
Retrait de la motion de réinscription au Feuilleton
L'ordre du jour appelle:Que, nonobstant tout article du Règlement ou ordre de cette Chambre, le projet de loi S-14 ci-après, présenté à la première session de la trente-cinquième législature, soit réinscrit au Feuilleton de la présente session de la manière qui suit:
Loi restreignant la fabrication, la vente, l'importation et la publicité des produits du tabac (Loi sur les restrictions relatives aux produits du tabac), et qu'il soit réputé avoir été présenté et lu une première fois, lu une deuxième fois et renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
L'honorable Stanley Haidasz: Honorables sénateurs, je demande l'autorisation de retirer cette motion présentée en mon nom.
Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est retirée.)
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président: Je tiens à rappeler aux sénateurs que la photographie officielle du Sénat sera prise demain à 14 heures. Je crois que tous les caucus en ont été avisés. Je vous demande d'être assis à votre place à l'heure dite. Je veux aussi demander au personnel et aux employés de se réunir dans la tribune nord à 13 h 50.(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)